27
juin
2025
Actualités juridiques
Sociétés et fiscalité
Droit civil
2025
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Sociétés et fiscalité — Droit civil
Proposition de loi n° 269 relative à la fiducie
La proposition de loi n° 269 relative à la fiducie a été déposée en Séance publique du Conseil National du 11 juin 2025 et renvoyée devant la Commission Finances et Économie Nationale (CFEN).
A noter : une proposition de loi adoptée par le Parlement (Conseil national) est transmise au Gouvernement qui a la possibilité de la transformer en projet de loi ou de suspendre la procédure législative.
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SYNTHESE
La fiducie est "une entité juridique, connue par la plupart des pays européens" (Exposé des motifs) que la proposition de loi n° 269 entend créer sous deux formes, pour :
- "adapter le droit monégasque aux évolutions de la pratique du monde des affaires afin d'enrichir les options d'ingénierie patrimoniale que Monaco pourra offrir avec la fiducie-gestion" ("qui permet de confier à une gestionnaire professionnel un certain nombre d'actifs de natures différentes pour bénéficier de son expertise et de ses moyens de gestion pour le bénéfice du constituant ou de bénéficiaire") ;
- "renforcer le droit monégasque des sûretés et des entreprises en difficulté par l'usage de la fiducie-sûreté" ("qui permet au constituant de conférer au créancier, sur les biens qui lui sont transférés, une sûreté et de renforcer son contrôle sur le remboursement de sa dette").
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Dispositif de la proposition de loi n° 269 (avant passage en Commission)
La proposition de loi est divisée en 8 chapitres et comprend 44 articles :
CHAPITRE I – De la nature de la fiducie
Article 1. Définition de la fiducie : opération par laquelle un ou plusieurs constituants, personne physique ou personne morale, transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent en vue d'une fin particulière, déterminée par le contrat de fiducie, au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires.
Article 2. Définition du patrimoine fiduciaire : formé des biens transférés en fiducie, il constitue un patrimoine d'affectation autonome et distinct de celui du constituant, du fiduciaire ou du bénéficiaire, sur lequel aucun d'entre eux n'a de droit réel.
Articles 3 et 4. Etablissement de la fiducie, registres, opposabilité de la fiducie : par contrat, testament, ou par jugement lorsque la loi l'autorise. La fiducie établie par contrat à titre onéreux peut avoir pour objet de garantir l'exécution d'une obligation. La fiducie n'est opposable aux tiers qu'à compter de sa publication au registre des fiducies et, le cas échéant, au registre afférent au transfert de propriété selon la nature mobilière ou immobilière des biens transférés en fiducie (ce qui inclut les hypothèques). Les modalités relatives au registre des fiducies seront précisées ordonnance souveraine.
Articles 5 et 6. Date et effets de l'entrée en vigueur du contrat de fiducie : la fiducie est constituée dès l’acceptation du ou des fiduciaires. Pour la fiducie établie par testament, les effets de l'acceptation rétroagissent au jour du décès. L'acceptation de la fiducie dessaisit le constituant des biens, charge le fiduciaire de veiller à leur affectation et à l'administration du patrimoine fiduciaire et suffit pour rendre certain le droit du bénéficiaire.
CHAPITRE II – Du contrat de fiducie
Article 7. Mentions obligatoires du contrat (à peine de nullité) :
-
Biens, droits ou sûretés transférés (déterminables s’ils sont futurs)
-
Durée du transfert (max. 99 ans)
-
Identité du ou des constituants
-
Identité du ou des fiduciaires
-
Identité des bénéficiaires ou, lorsque les personnes qui seront les bénéficiaires de la fiducie n'ont pas encore été désignées, la catégorie de personnes dans l'intérêt principal de laquelle la construction juridique a été constituée.
-
Mission, étendue des pouvoirs d'administration et de disposition du ou des fiduciaires.
Les éléments d'identification et pièces justificatives devant être jointes à la demande d'inscription au registre des fiducies seront précisés par ordonnance souveraine.
Article 8. Enregistrement : sous peine de nullité, le contrat et ses avenants doivent être enregistrés dans le mois suivant leur signature, au registre des fiducies et, selon la nature mobilière ou immobilière des biens transférés dans a fiducie, dans les registres correspondants.
Article 9. Durée maximale : 99 ans, à l’instar des sociétés monégasques.
CHAPITRE III – Des différentes formes de fiducie
Articles 10, 11, 12. Définition des deux formes de fiducie reconnues :
- Fiducie de gestion : permet au constituant de donner au fiduciaire les moyens d'une gestion efficace des biens qu'il lui transfère, et ce dans l'intérêt personnel du constituant ou d'un tiers bénéficiaire.
-
Fiducie de sûreté : permet au constituant de conférer une sûreté au créancier sur les biens qui sont transférés au fiduciaire.
CHAPITRE IV – De l’administration de la fiducie
Section I – Du constituant
Articles 13 à 17 :
- Peuvent être constituants : personnes morales de droit monégasque, personnes physiques de nationalité monégasque ou disposant de la qualité de résident monégasque.
- Le constituant peut être bénéficiaire de la fiducie.
- Sauf stipulation contraire du contrat de fiducie, le constituant peut désigner un tiers chargé de veiller à ses intérêts, susceptible de garantir ses droits vis-à-vis du fiduciaire.
- Faculté du constituant, ou fiduciaire ou tiers de désigner les bénéficiaires selon les critères de l'acte constitutif et les principes de l'ordre public monégasque.
Section II – Du fiduciaire
Articles 18 à 28 :
- Peuvent être fiduciaires : établissements de crédit et sociétés de gestion établis à Monaco, professions réglementées désignées par ordonnance souveraine (notaires, avocats, experts-comptables).
- Désignation judiciaire : en cas d’impossibilité de pourvoir à sa désignation, carence, manquements.
- Pouvoirs d'administration : maîtrise et administration exclusive du patrimoine fiduciaire ; les titres relatifs aux biens qui le composent sont établis à son nom ; il exerce tous les droits afférents au patrimoine et peut prendre toute mesure propre à en assurer l'affectation. Il agit à titre d'administrateur du bien d'autrui chargé de la pleine administration.,
- Afin de protéger les droits des bénéficiaires. le fiduciaire doit fournir une garantie d'une banque ou
d'un établissement financier habilité à donner caution et ayant son siège ou sa succursale dans la Principauté (montant minimal fixé par ordonnance souveraine) et souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle. - Liberté contractuelle pour préciser les modalités par lesquelles le fiduciaire doit rendre compte de l'exécution de sa mission au constituant ou au tiers désigné.
- Le fiduciaire doit faire mention expresse de sa qualité lorsqu’il agit pour le compte de la fiducie (afin de ne pas donner lieu à l'application de la "théorie de l'apparence" et de protéger les tiers et les bénéficiaires). De même, lorsque le patrimoine fiduciaire comprend des biens ou des droits dont la mutation est soumise à publicité, celle-ci doit mentionner le nom du fiduciaire ès qualités.
- Dans ses rapports avec les tiers, le fiduciaire est réputé disposer des pouvoirs d'un propriétaire. Il est engagé même par les actes dont il ne disposait pas des pouvoirs en vertu du contrat de fiducie, à moins qu'il ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait ses pouvoirs ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances.
- Règles de comptabilité : le fiduciaire tient une comptabilité autonome pour le patrimoine d'affectation qui lui est confié, dans les conditions prévues par l'Ordonnance Souveraine n° 3.167 du 29 janvier 1946 réglant l'établissement du bilan des sociétés anonymes et en commandite, modifiée.
- Limitation des effets de la faillite d'un fiduciaire sur le patrimoine qui lui est confié : l'ouverture d'une procédure collective de règlement du passif à l'encontre du fiduciaire n'affecte pas le patrimoine fiduciaire. Sans préjudice des droits des créanciers du constituant, titulaires d'un droit de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement au contrat de fiducie, et hors les cas de fraude aux droits des créanciers du constituant, le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine. En cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, le patrimoine du constituant constitue le gage commun de ces créanciers, sauf stipulation contraire du contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire. Le contrat de fiducie peut également limiter l'obligation au passif fiduciaire au seul patrimoine fiduciaire. Une telle clause n'est opposable qu'aux créanciers qui l'ont expressément acceptée.
- Le fiduciaire est responsable, sur son patrimoine propre, des fautes qu'il commet dans l'exercice de sa mission.
Section III – Du bénéficiaire
Articles 29 à 31 :
- Le bénéficiaire doit remplir les conditions requises par le contrat de fiducie pour recevoir les biens et droits patrimoniaux issus du patrimoine fiduciaire.
- La transmission des droits résultant du contrat de fiducie et, si le bénéficiaire n'est pas désigné, sa désignation ultérieure doit, à peine de nullité, donner lieu à un acte écrit enregistré dans le registre des fiducies.
- Droits du bénéficiaire : si le contrat de fiducie le prévoit, le bénéficiaire a le droit d'exiger pendant la durée de la fiducie, soit la prestation d'un avantage qui lui est accordé, soit le paiement des fruits et revenus et du capital ou de l'un d'eux seulement.
Section IV – Des mesures de surveillance et de contrôle
Articles 32 à 36 :
- Les pouvoirs de surveillance sont attribués aux constituants et à leurs héritiers ainsi qu'aux bénéficiaires, et dans des cas prévus par Ordonnance Souveraine à certains organismes. L'Ordonnance Souveraine peut prévoir un régime particulier de surveillance pour certaines fiducies.
- Le constituant, le bénéficiaire ou tout tiers intéressé peut intervenir contre un fiduciaire dont les actions ou les omissions seraient susceptibles de porter préjudice au patrimoine fiduciaire et agir en justice à cet effet.
- Le fiduciaire, le constituant et le bénéficiaire sont, s'ils y participent, solidairement responsables des actes exécutés en fraude des droits des créanciers du constituant ou du patrimoine fiduciaire.
CHAPITRE V – Des modifications
Article 37. Augmentation du patrimoine fiduciaire : toute personne peut augmenter le patrimoine fiduciaire en lui transférant des biens par contrat ou par testament et en suivant les règles propres à la
constitution d'une fiducie. Elle n'acquiert pas, de ce fait, les droits d'un constituant. Les biens transférés se confondent dans le patrimoine fiduciaire et sont administrés conformément aux stipulations du contrat de fiducie. Toute personne peut ajouter des biens à une fiducie existante sans devenir constituant. Les biens sont gérés selon le contrat initial.
Article 38. Fin de la fiducie (décision judiciaire) : lorsqu'une fiducie a cessé de répondre à la volonté du constituant, notamment par suite de circonstances inconnues ou imprévisibles qui rendent impossible ou trop onéreuse la poursuite de l'objet de la fiducie, le tribunal de première instance peut, à la demande d'un intéressé, mettre fin à la fiducie.
CHAPITRE VI – De la fin de la fiducie
Article 39. Révocation de la fiducie : le contrat de fiducie peut être révoqué par le constituant tant qu'il n'a pas été accepté par le bénéficiaire. Après acceptation par le bénéficiaire, l'acte ne peut être modifié ou révoqué
qu'avec l'accord dudit bénéficiaire ou par décision de justice.
Article 40. Fin de la fiducie : par survenance du terme, réalisation de l'objet poursuivi quand celle-ci a lieu avant le terme ou en cas de révocation par le constituant ; également si le contrat le prévoit, ou à défaut par une décision de justice, lorsque la totalité des bénéficiaires renonce à la fiducie ; également si le fiduciaire fait l'objet d'une liquidation judiciaire ou d'une dissolution, ou disparaît par suite d'une cession ou d'une absorption.
Article 41. Effets de la fin de la fiducie. Lorsque le contrat de fiducie prend fin en l'absence de bénéficiaire ou en cas de renonciation par le bénéficiaire, les droits, biens ou sûretés présents dans le patrimoine fiduciaire font de plein droit retour au constituant ou à ses ayants droits.
CHAPITRE VII – Régime fiscal
Article 42. Droit fixe d'enregistrement de 50 € : contrat de fiducie, actes constatant la modification des informations, l'extinction de l'acte constitutif, et le transfert de biens ou droits réels postérieurement à sa formation.
CHAPITRE VIII – Dispositions diverses
Article 43. Conformité à la Recommandation 25 "Transparence et bénéficiaires effectifs des constructions juridiques" du GAFI (informations élémentaires, bénéficiaires effectifs, supervision) : les dispositions des articles 6-1 à 6-3 et 13-1-1 à 13-1-4 de la Loi n° 214 du 27 février 1936 portant révision de la loi n° 207 du 12 juillet 1935 sur les trusts, modifiée, ainsi que les sanctions y afférentes, sont applicables.
Article 44 : Modification de l’article 337 du Code pénal (abus de confiance) : inclut les constituants ou bénéficiaires d'un contrat de fiducie.
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