07
nov.
2025
Actualités juridiques
Droit international et européen
07/
nov.
2025
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Droit international et européen
Proposition de loi n° 272 portant actualisation de certaines dispositions du Code de droit international privé (adoptée)
La proposition de loi n° 272 portant actualisation de certaines dispositions du Code de droit international privé a été reçue par le Conseil National le 21 octobre 2025, déposée et adoptée en Séance publique du 6 novembre 2025.
NB : une proposition de loi adoptée par le Parlement (Conseil national) est transmise au gouvernement qui a la possibilité de la transformer en projet de loi ou de suspendre la procédure législative.
Depuis sa promulgation en 2017, le Code DIP a été adapté à deux reprises.
La Loi n° 1.470 du 17 juin 2019 en matière d'adoption a précisé :
- les conditions du consentement, quelle que soit la loi applicable (consentement de l’adopté ou de son représentant légal ; consentement libre, obtenu sans contrepartie après la naissance, et éclairé sur les conséquences).
- la procédure requise pour l’exécution forcée d’une décision étrangère d’adoption (droit commun).
La Loi n° 1.529 du 29 juillet 2022 portant diverses dispositions d'ordre économique et juridique a :
- modifié l'article 70 du Code DIP concernant les dispositions impératives du droit de la consommation étranger et leur inapplicabilité en matière de services bancaires pour les conventions de compte de dépôt et de compte de titres tenues par un établissement installé sur le territoire monégasque ;
- prévu une une règle d'application dans le temps des dispositions du Chapitre V du Titre II du Code DIP pour les successions internationales ouvertes postérieurement à son entrée en vigueur.
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SYNTHÈSE
La proposition de loi n° 272 vise à :
- mieux définir et encadrer l’exception d’ordre public international monégasque,
- supprimer la disposition relative à l'application ou non de la réserve héréditaire,
- attribuer compétence au juge monégasque pour délivrer les actes équivalents aux notoriétés lorsqu'ils sont nécessaires au règlement de la succession par les notaires de Monaco,
- prévoir la loi applicable aux donations,
- introduire des dispositions transitoires clarifiant l’application dans le temps du Code DIP.
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EN DÉTAIL
→ Mieux définir et encadrer l’exception d’ordre public international monégasque :
- Reformulation de l'article 27 du Code DIP comme suit : "L’application des dispositions d’un droit étranger est écartée lorsqu’elle heurte manifestement les principes fondamentaux relevant de l’ordre public international monégasque. Le droit monégasque est alors appliqué. Pour contrôler la conformité à l’ordre public international monégasque, il est tenu compte des droits régulièrement acquis à l’étranger."
- Cette reformulation vise à mieux caractériser les conditions de l'exception tirée de l'ordre public international monégasque, renforcer la sécurité juridique, maintenir l’équilibre entre la protection des principes fondamentaux du droit monégasque et l’ouverture nécessaire aux situations internationales.
- Actuellement, le Code DIP évoque l’"ordre public monégasque" sans distinguer l’ordre public interne de l’ordre public international. Ce manque de précision a entraîné une incertitude dans la pratique et la jurisprudence. La proposition de loi n° 272 substitue à cette formulation générale celle d"ordre public international monégasque", notion fondée sur les principes fondamentaux du droit monégasque, eux-mêmes issus des valeurs impératives du droit interne et des engagements internationaux de la Principauté, notamment en matière de droits de l’Homme.
- La proposition de loi n° 272 introduit en outre la référence à la contrariété manifeste, afin de rappeler que l’exception d’ordre public est d’interprétation stricte et ne doit jouer qu’en cas d’atteinte grave aux valeurs essentielles de Monaco.
- Enfin, en consacrant le principe de prise en compte des droits régulièrement acquis à l’étranger, la proposition de loi n° 272 met l’accent sur le mécanisme de l’ordre public atténué : une situation juridique valablement constituée en vertu d'un doit étranger, sans fraude, peut produire effet à Monaco, sauf si elle heurte manifestement l’ordre public international monégasque.
→ Supprimer la disposition relative à l'application ou non de la réserve héréditaire :
- Suppression de l'alinéa 2 de l'article 63 du Code DIP. Cette disposition prévoit que le droit applicable à la succession (en vertu du chapitre V - Successions du Code DIP) qui régit l'ensemble de celle-ci, de son ouverture jusqu'à sa transmission définitive aux ayants droit, "ne peut avoir pour effet de priver un héritier de la réserve que lui assure le droit de l'État dont le défunt a la nationalité au moment de son décès, ni d'appliquer la réserve à la succession d'une personne dont le droit de l'État dont elle a la nationalité au moment de son décès ne connaît pas ce régime."
- En supprimant cet alinéa, la proposition de loi n° 272 entend garantir l’application d’une seule loi à l’ensemble de la succession, de son ouverture à la transmission finale des biens, renforçant ainsi la cohérence, la simplicité et la prévisibilité du droit international privé monégasque.
- L'objectif du législateur avec cette disposition était de garantir que l'héritier ne soit pas être privé de la part minimale qui lui revient (la réserve héréditaire) en vertu de la loi nationale du défunt, et inversement que ce mécanisme de réserve ne soit pas imposé lorsque la loi nationale du défunt ne le reconnaît pas (systèmes juridiques fondés sur la liberté testamentaire).
- Cette suppression est motivée par : la complexité de mise en œuvre de cette disposition, pouvant conduire à des résultats contraires à la volonté du défunt et à l'objectif premier du législateur ; l'évolution du contexte international en matière de réserve héréditaire marqué par la jurisprudence récente de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH, 15 février 2024, Colombier c. France, n° 14925/18 et Jarre c. France, n° 14157/18) qui admet une plus grande liberté testamentaire ; l'harmonie avec la solution du Règlement UE n° 650/2012 du 4 juillet 2012 sur les successions, le modèle retenu par les promoteurs du Code DIP fondé sur le principe d’unicité de la loi successorale.
→ Attribuer compétence au juge monégasque (Chambre du conseil du Tribunal de première instance) pour délivrer les actes équivalents aux notoriétés lorsqu'ils sont nécessaires au règlement de la succession par les notaires de Monaco :
- Ajout de l'alinéa 2 suivant à l'article 64 Code DIP : "Par application des dispositions du Chapitre II [Compétence judiciaire] du Titre I [Dispositions générales] du présent Code et, en particulier, lorsque les tribunaux de la Principauté sont compétents en application du chiffre 4 de l’article 6 [en matière successorale, lorsque la succession s'est ouverte dans la Principauté ou qu'un immeuble dépendant de la succession y est situé, de même que pour les demandes formées par des tiers contre un héritier ou un exécuteur testamentaire, et pour les demandes entre cohéritiers jusqu'au partage définitif] ou lorsque le défunt laisse des biens meubles à Monaco et dans la mesure où les autorités étrangères compétentes ne s’en occupent pas, les tribunaux de la Principauté prennent tous les actes nécessaires au règlement de la succession, peu important le droit régissant la succession."
- Cette insertion vise à répondre aux difficultés rencontrées dans de nombreuses successions impliquant des biens à Monaco lorsque le droit applicable est la common law (Angleterre, Etats-Unis, etc.), éviter les obstacles liés à des formalités étrangères et garantir que les biens situés à Monaco soient correctement administrés, même si la succession est régie par un droit étranger.
- En vertu du Code DIP, la loi successorale applicable régit non seulement la succession elle-même, mais aussi la délivrance des actes nécessaires à son ouverture et à son administration. Cela peut poser des difficultés pratiques lorsque ces actes doivent être obtenus auprès d’une autorité ou d’une juridiction étrangère, qui peut ne pas être disposée à les délivrer pour régler la succession sur le territoire monégasque.
- C'est le cas par exemple lorsque la succession comprenant des biens situés à Monaco est soumise au droit anglais, le probate anglais ne couvrant que les biens situés au Royaume-Uni [le probate est la procédure qui consiste pour les exécuteurs testamentaires ou administrateurs d’une succession à faire une demande de “grant” auprès du service des successions (“Probate Registry”) du tribunal compétent, pour obtenir le droit de recueillir la succession et la distribuer aux légataires ou héritiers après le paiement des dettes et droits de succession]. Avec la réforme du Code DIP, le juge monégasque serait compétent pour délivrer tous les actes nécessaires au règlement de la succession, en raison du lien avec Monaco et dans la mesure où les autorités étrangères ne s’occupent pas de ces biens.
- Il s'agit donc de faciliter le règlement des successions internationales impliquant des biens à Monaco en évitant les obstacles liés à des formalités étrangères, tout en respectant la loi applicable à la succession.
→ Prévoir la loi applicable aux donations :
- Insertions suivantes à l'article 69 du Code DIP : à défaut de choix, le contrat est régi par le droit de l'État sur le territoire duquel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a son domicile, à savoir "7. dans le contrat de donation entre vifs, en ce compris la donation entre époux, le donateur." (nouveau chiffre 7 à l'alinéa 2) ; "3. le contrat de donation entre vifs portant sur immeuble situé à Monaco est régi par la loi monégasque" (nouveau chiffre 3 à l'alinéa 3)
- L'objectif est de prévoir la loi applicable aux donations qui sont un outil majeur de transmission de patrimoine, aux fins de prévisibilité.
- Le Code DIP ne contient pas en l'état de dispositions sur les donations.
- En droit monégasque, la donation est un contrat solennel et elle ne peut être faite que par acte notarié (article 798 du Code civil), sauf les dons manuels
actuellement reconnus par la jurisprudence monégasque. La donation entre vifs a pour effet la transmission immédiate de la propriété de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte (article 762 du Code civil). Cette donation est irrévocable, à l'exception des donations faites entre époux pendant le mariage (article 951 du Code civil).
→ Introduire des dispositions transitoires clarifiant l’application dans le temps du Code DIP :
- Insertion des nouveaux articles 101 et 102 du Code DIP : "Sauf disposition contraire, le présent Code entre en vigueur le lendemain de sa publication au Journal de Monaco. Ses dispositions sont applicables dans toutes les procédures engagées postérieurement à son entrée en vigueur. Les procédures en cours à cette date restent soumises aux règles de droit international privé antérieurement applicables." (article 101) ; "Les articles 47 et 51 en matière d’adoption s’appliquent à compter du 29 juin 2019. Les articles 56 et suivants en matière de succession, ensemble l’article 24, s’appliquent aux successions de personnes décédées à compter du 8 juillet 2017. L’article 70 en matière de contrat de consommation s’applique au contrat conclu à compter du 13 août 2022" (article 102)
- L'édiction des règles transitoires vise à pallier leur absence préjudiciable en pratique dans la Loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé (ayant créé le Code DIP) telle qu'amendée par la Loi n° 1.529 du 29 juillet 2022 (ayant inséré l'article 7-1 qui dispose que "Les dispositions du Chapitre V du Titre II du Code de droit international privé sont applicables aux successions ouvertes postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi". Cet article serait en conséquence abrogé) et d'assurer une pleine sécurité juridique là où il y a pu avoir des décisions de justice contradictoires.
- L'article 101 opère un rappel de droit commun : le principe de l'applicabilité du Code DIP le "lendemain de sa publication au Journal de Monaco" le 8 juillet 2017, en précisant son applicabilité aux procédures engagées postérieurement à son entrée en vigueur et, à l'inverse, son inapplicabilité aux procédures en cours à cette date (qui restent soumises aux règles de droit international privé antérieurement applicables)
- L'article 102 règle l'entrée en application du Code DIP de manière spécifique. En matière d'adoption : le 29 juin 2019 se calque sur la révision opérée par la Loi n° 1.470 précitée. En matière de contrats de consommation : le 13 août 2022 se calque sur la révision opérée par la Loi n° 1.529 précitée. En matière de successions internationales : l'article 24 excluant le renvoi aux règles de droit international privé du droit étranger désigné par les règles de conflits de loi du Code DIP ainsi que les articles 56 à 67 s'appliqueraient aux successions des personnes décédées à compter du 8 juillet 2017 (le législateur souhaite remettre de l’ordre et clarifier l’application dans le temps des règles successorales, au vu de la jurisprudence actuelle dont il estime qu'elle "consacre une solution hybride source d'insécurité". Voir notre publication : Cour de révision ● L’article 24 du Code DIP définissant le « droit d’un Etat » s’applique aux successions internationales ouvertes avant son entrée en vigueur).
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