>
fr / en
Cabinet Avocats en Principauté de Monaco Cabinet Avocats en Principauté de Monaco

19

juin
2023

Articles

Droit commercial

Droit public

19/ juin
2023

Articles

Droit commercial — Droit public

Tribunal Suprême • Le régime d'autorisation d'exercice d'une activité économique en l'absence de réglementation spécifique (courtage en matière de prêt immobilier)

Recours pour excès de pouvoir • Exception d'inconstitutionnalité • Motivation insuffisante • Annulation

Tribunal Suprême, 23 mai 2023, Monsieur P. D., Monsieur F-X. F., Monsieur J-M. F., Monsieur C. N. et Société L. L. SA c/ État de Monaco, Décisions TS 2022-18 à 22

Le recours

Les requérants, de nationalité étrangère, ont intenté un recours en annulation pour excès de pouvoir de la décision du Ministre d’Etat rejetant leur demande d’autorisation d’exercice à titre indépendant de l’activité principale de courtage en prêt immobilier ainsi que diverses activités accessoires. Aucune des activités objet de la demande n'était liée à un secteur règlementé en Principauté.

Le Ministre d’Etat avait rejeté leur demande au motif qu’« il apparaît que l’activité de courtage en matière de prêt immobilier qui s’apparente à une activité d’intermédiaire en opération de banque pour laquelle il n’existe pas de réglementation spécifique à Monaco. En outre, cette activité n’entre pas dans le champ d’application des accords bancaires franco-monégasques et la réglementation française en la matière n’est donc pas applicable à Monaco ».

Les requérants ont opposé que la décision attaquée était insuffisamment motivée en vertu de l’article 1er de la Loi n° 1.312 du 29 juin 2006 relative à la motivation des actes administratifs, le Ministre d’Etat évoquant le fait qu’il n’existe pas de réglementation spécifique à l’activité de courtier de prêt immobilier, sans indiquer que cette activité est interdite en Principauté et sans préciser les motifs d’intérêt général qui feraient obstacle à l’autorisation demandée.

Ils ont également contesté par voie d'exception, l’inconstitutionnalité de l’article 5 de la Loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l’exercice de certaines activités économiques et juridiques, lequel donne au Ministre d’Etat le pouvoir d’accorder ou de refuser une autorisation d’exercer une activité mais n’indique aucunement quels sont les motifs qui peuvent justifier un refus d’autorisation, ce qui méconnaîtrait le principe constitutionnel d’égalité de traitement et d’égalité des droits garanti par l’article 32 de la Constitution et le principe constitutionnel de sécurité juridique.

La décision du Tribunal Suprême

Le Tribunal Suprême a tout d'abord posé "qu’aucune disposition de la Constitution ne consacre un principe de liberté de création d’une activité économique et de libre établissement dans la Principauté".

Ce dont il déduit "qu’il revient dès lors aux autorités de l’Etat de définir le régime juridique applicable en matière d’exercice de toute activité économique et d’établissement, compte tenu des caractères particuliers, notamment géographiques et démographiques, de la Principauté ; qu’il leur est notamment loisible de soumettre à un régime d’autorisation l’exercice d’une activité économique ou l’établissement d’une entité économique et d’en limiter les bénéficiaires".

Il a ensuite rappelé au visa des articles 1er et 5 de la Loi n° 1.144 du 26 juillet 1991 concernant l’exercice de certaines activités économiques et juridiques, "qu’en l’absence de réglementation spécifique d’une activité, il appartient ainsi à l’autorité administrative d’apprécier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, s’il y a lieu de délivrer l’autorisation individuelle en s’attachant à vérifier si le pétitionnaire présente des compétences professionnelles ainsi que des garanties financières et morales suffisantes et en évaluant l’impact d’une délivrance éventuelle au regard du secteur d’activité concerné".

Sur ce fondement, le Tribunal Suprême a finalement :

rejeté le moyen d'inconstitutionnalité, considérant que la Loi n° 1.144 "en laissant à l’Administration un pouvoir discrétionnaire, ne méconnaît pas les principes constitutionnels d’égalité et de sécurité juridique" ;

annulé la décision attaquée, faisant droit au moyen de l'insuffisance de motivation, considérant que l'Administration "énonce qu’il n’est pas délivré d’autorisation pour cette activité en Principauté au motif qu’elle ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique" et ce faisant "a méconnu la portée des dispositions de la loi du 26 juillet 1991".

Autrement dit, une décision de refus d’autorisation d’exercice d'une activité non spécifiquement réglementée doit être motivée au regard des circonstances particulières de l'espèce, de la personne et des garanties du pétitionnaire, de l’ordre public économique de la Principauté ou d'autres objectifs d’intérêt général.

La régulation est au cœur de l'ordre public économique, l'administration monégasque pouvant en tout état de cause limiter le nombre de professionnels autorisés afin d'assurer le bon fonctionnement et la sauvegarde du secteur d'activité considéré (saturation).

Autres publications