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Projet de loi n° 987 relatif à la protection des lanceurs d’alerte dans le cadre des relations de travail
Le projet de loi n° 987 relatif à la protection des lanceurs d’alerte dans le cadre des relations de travail déposé en Séance Publique du 3 avril 2019 et renvoyé devant la Commission Législation, est issu de la transformation de la proposition de loi n° 229.
Le 27 mars 2025, le Président du Conseil National a saisi pour avis l'Autorité de Protection des Données Personnelles (APDP). Voir la Délibération n° 2025‑8 du 9 avril 2025 (JDM n° 8746 du 9 mai 2025).
Présentation
Le projet de loi n° 987 vise à instaurer un cadre général de protection des lanceurs d'alerte, tant dans le secteur public que privé.
Il est "inspiré des législations des pays voisins, ainsi que des conventions internationales" et "s'inscrit dans le droit fil de la prévention des crimes et délits, de la protection de l'environnement, du renforcement de la sécurité sanitaire, de la lutte contre le harcèlement et la violence au travail, le blanchiment de capitaux et la corruption". (Exposé des motifs, pp. 2-4)
L’Exposé des motifs rappelle que, si certaines dispositions internes récentes protègent déjà les auteurs de signalements dans des contextes spécifiques, aucun texte à ce jour ne consacre un statut général du lanceur d’alerte.
L'article 31 de la Loi n° 1.362 du 3 août 2009 modifiée n'offre qu'une protection sectorielle limitée aux signalements internes dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, avec la possibilité si aucune suite n'est donnée dans un délai raisonnable, d'adresser le signalement au service exerçant la fonction de supervision de l'Autorité Monégasque de Sécurité Financière (AMSF) mais sans reconnaissance de la possibilité de "révéler au public - en dernier recours - les informations signalées, en cas d’inaction des organes internes à l'entreprise". (Exposé des motifs, p. 4)
Concernant le secteur public, le projet de loi n° 987 "est le pendant de l'obligation générale faite aux fonctionnaires, agents de l'Etat ou officiers publics de dénoncer à l'autorité hiérarchique ou judiciaire, tout fait, pratique, agissement ou comportement susceptible d'être constitutif d'un crime ou d'un délit dont ils pourraient avoir connaissance dans l'exercice de leurs fonctions" (Exposé des motifs, p. 5, citant l'article 61 du Code de procédure pénale, l'article 6 de l'Arrêté Ministériel n° 2011-468 du 29 août 2011 portant application de l'Ordonnance Souveraine n° 3.413 du 29 août 2011 portant diverses mesures relatives à la relation entre l'Administration et l'administré, l'article 74 du Code pénal).
Le dispositif du projet de loi n° 987 s’appuie sur la Loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relative au harcèlement et à la violence au travail qui constitue "un socle normatif de base, applicable au secteur privé comme au secteur public" (Exposé des motifs, p. 46) (désignation d’un référent, procédure d’alerte interne, protection de l'employé, logique probatoire, etc.).
Dans le contexte européen, le projet de loi n° 987 s’inscrit dans la droite ligne de :
- la Recommandation CM/Rec(2014)7 adoptée le 30 avril 2014 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui invite les États membres à consacrer un cadre normatif permettant aux personnes d’effectuer des signalements d’intérêt général dans un contexte professionnel, sans crainte de "représailles, directes ou indirectes, de la part de leur employeur et de la part de personnes travaillant pour le compte ou agissant au nom de cet employeur. Parmi ces formes de représailles pourraient figurer le licenciement, la suspension, la rétrogradation, la perte de possibilités de promotion, les mutations à titre de sanction, ainsi que les diminutions de salaire ou retenues sur salaire, le harcèlement ou toute autre forme de sanction ou de traitement discriminatoire".
- la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (article 10 CEDH sur la liberté d’expression) relative à la protection des divulgations portant sur des manquements graves aux obligations publiques ou privées. Par exemple : Affaire Guja c. Moldavie, 12 février 2008, Req. 14277/04 (renvoi d’un fonctionnaire du parquet général pour avoir laissé filtrer dans la presse des éléments indiquant une ingérence apparente du Gouvernement dans l’administration de la justice pénale) ; Affaire Heinisch c. Allemagne, 21 juillet 2011, Req. 28274/08 (licenciement d’une infirmière pour dépôt d’une plainte pénale dénonçant des carences dans les soins administrés par un employeur privé) ; Affaire Bucur et Toma c. Roumanie, 8 janvier 2013, Req. 0238/02 (condamnation pénale pour avoir rendu publiques des irrégularités concernant des écoutes téléphoniques secrètes).
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SYNTHESE
Création du statut de lanceur d’alerte, couvrant le secteur public et privé, comme suit :
- Salariés, fonctionnaires et agents contractuels de l'Etat et de la Commune, stagiaires, dont l'employeur est situé à Monaco ;
- Signalement (à l'employeur, ou autorité judiciaire ou administrative compétente) ou révélation (au public des informations ayant fait l'objet, en vain, d'un signalement), de bonne foi, de manière désintéressée, avec la conviction que l'information est authentique dans les formes et conditions prévues par la loi, de toute information, dont l'employé a eu connaissance à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, relative à la survenance : 1. d'un crime ou d'un délit, 2. d'une menace ou d'un préjudice graves pour l'intérêt général dans le domaine sanitaire ou environnemental.
- Limites : exclusion des informations : dont le signalement ou la révélation porterait atteinte au secret de sécurité nationale, au secret médical ou au secret des relations entre un avocat et son client ; dont l'auteur de l'alerte n'a pas eu personnellement connaissance, dont il ne pouvait légitimement considérer qu'elles étaient exactes.
- Garanties contre les représailles de la hiérarchie ; en cas de litige, la charge de la preuve pèse sur l'employeur.
- Procédures d'alerte (référent destiné à recueillir le signalement, information, procédures internes, signalement, porter les informations à la connaissance du pouvoir judiciaire).
- Dispositions pénales (modification des articles 307 et 308-1 du Code pénal, excluant leur application aux lanceurs d'alerte).
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Structure du projet de loi n° 987 (avant passage en Commission)
CHAPITRE PREMIER – DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article premier – Personnes pouvant bénéficier de la qualification de lanceur d’alerte
Article 2 – Informations exclues du signalement
Article 3 – Protection contre les représailles
CHAPITRE II – DES PROCÉDURES D’ALERTE
Article 5 – Désignation d’un référent destiné à recueillir le signalement
Article 6 – Communication du signalement au pouvoir judiciaire
Article 7 – Information quant aux suites réservées au signalement
Article 8 – Révélation au public à défaut d’information quant aux suites réservées au signalement
Article 9 – Procédures à mettre en place par les employeurs (arrêté ministériel d’application)
CHAPITRE III – DISPOSITIONS PÉNALES
Article 10 – Peine encourue pour avoir fait ou tenté de faire obstacle à la transmission d’un signalement
Article 11 – Peine encourue pour méconnaissance de la confidentialité des procédures mises en place au titre de l’article 9
Article 12 – Insertion à l’article 307 du Code pénal (dénonciation calomnieuse)
Article 13 – Insertion à l’article 398-1 bis du Code pénal (révélation d’un secret)
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