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11

juil.
2023

Actualités juridiques

Droit pénal

Droit international et européen

11/ juil.
2023

Actualités juridiques

Droit pénal — Droit international et européen

Traite des personnes : Monaco ajuste son droit pénal, transcrit le droit des victimes à l'information et la formation des professionnels (Ordonnance Souveraine n° 9.966 du 30 juin 2023)

L'Ordonnance Souveraine n° 9.966 du 30 juin 2023 (JDM n° 8650 du 7 juillet 2023) a modifié l'Ordonnance Souveraine n° 605 du 1er août 2006 portant application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, de son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme) et de son protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, adoptés à New York le 15 novembre 2000, modifiée.

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Présentation

En matière de traite des personnes (aux fins notamment de travail ou services forcés, servitude, prélèvement d'organes, esclavage ou pratiques analogues, prostitution d'autrui ou autres formes d'exploitation sexuelle), outre le Protocole de Palerme des Nations Unies précité (en vigueur à Monaco depuis le 3 novembre 2003), sont également applicables à Monaco la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005 ("Convention anti-traite", en vigueur à Monaco depuis le 1er mars 2016) ainsi que l’article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit l'esclavage, la servitude ou la soumission à un travail forcé ou obligatoire.

En pratique, l'Ordonnance Souveraine n° 605 du 1er août 2006, modifiée, qui a érigé la traite des êtres humains en infraction pénale, contribue à la mise en œuvre de l'ensemble des engagements internationaux de la Principauté en la matière, aussi bien dans le cadre de l'ONU que du Conseil de l'Europe.

Les Etats parties doivent adopter une approche globale. Ils ont l'obligation positive de mettre en place un cadre juridique (législatif et administratif) approprié pour interdire et réprimer la traite, des mesures de prévention, de protection, de promotion des droits des victimes (identification par des personnes qualifiées, assistance dans leur rétablissement physique, psychologique et social tenant compte de leur vulnérabilité en particulier les mineurs). Ils ont également l'obligation procédurale d’enquêter lorsqu’il existe des motifs crédibles de soupçonner une situation de traite.

Les modifications de l'Ordonnance Souveraine n° 605 transcrivent les recommandations du Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA) du Conseil de l'Europe (Rapport concernant la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, 1er/2e cycles d'évaluation, GRETA(2020)02, adopté le 22 novembre 2019, publié le 12 février 2020).

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SYNTHESE

D'une part, les modifications apportées à l'Ordonnance Souveraine n° 605 en matière de traite des êtres humains, se conforment à l'approche globale retenue par le Protocole de Palerme, la Convention anti-traite, et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) relative à l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme :

> L'infraction de traite n'est plus restreinte aux situations transnationales et impliquant un groupe criminel organisé (abrogation de l'art. 1er, chiffre 2°).

> Introduction de circonstances aggravantes directement applicables à l'infraction de traite (article 9, nouveaux alinéas 2 et 3) :

  • a) l'infraction a mis en danger la vie de la victime délibérément ou par négligence grave ;
  • b) l'infraction a été commise à l'encontre d'un mineur ;
  • c) l'infraction a été commise par un agent public dans l'exercice de ses fonctions ;
  • d) l'infraction a été commise dans le cadre d'une organisation criminelle.

> Reconnaissance expresse du droit des personnes victimes de traite à recevoir une information complète (à l'oral et par la remise d'une documentation dont le contenu sera approuvé par Arrêté ministériel) et à être conseillées en perspective de leur situation personnelle (pour les personnes en situation de handicap, sous une forme adaptée) (nouvel art. 9-1) :

  • droit d'obtenir réparation du préjudice subi ;
  • droit de se constituer partie civile si l'action publique est mise en mouvement par le ministère public ou en citant directement l'auteur des faits devant la juridiction compétente ou en portant plainte devant le juge d'instruction ;
  • droit d'être aisées par les intervenants relevant des services de l'État spécifiquement voués à cette mission ou par une association conventionnée d'aide aux victimes.

> Inclusion de la dispense d'une formation régulière à destination des professionnels (magistrats, professionnels de santé, agents et officiers de police judiciaire, professionnels de l'enfance, prestataires de service et travailleurs sociaux) appelés à être en contact avec les victimes de traite, et adaptée le cas échéant aux mineurs dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant (nouvel article 9-2).

En pratique, suivant les recommandations du GRETA, une formation a été dispensée aux professionnels concernés dans le cadre de la coordination du dispositif national français d'accueil et de protection des victimes de la traite (Ac.Sé), issue d'un projet européen coordonné avec l'Organisation Internationale des Migrations (Rapport soumis par les autorités de Monaco pour être en conformité avec la Recommandation du Comité des Parties CP/Rec(2020)02 sur la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, 1er/2e cycles d'évaluation, CP(2022)02, reçu le 10 juin 2022).

D'autre part, ont été abrogés les articles 1er à 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 605 concernant l'application de la Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée :

  • Champ d'application (infractions graves, de nature transnationale et impliquant un groupe criminel organisé) (art. 1er) ;
  • Définition d'une infraction de nature transnationale (art. 2) ;
  • Définition d'un groupe criminel organisé (art. 3) ;
  • Infraction de participation à une activité criminelle organisée (art. 4) ;
  • Infraction de blanchiment du produit du crime en relation directe ou indirecte avec une infraction grave, de nature transnationale et impliquant un groupe criminel organisé (art. 5) ;
  • Infractions de corruption passive et active (art. 6) ;

La Convention des Nations Unies exige des États parties que lesdites infractions soient définies et réprimées en droit interne. ce qu'opère déjà le Code pénal monégasque qui prévoit des circonstances aggravantes lorsqu'elles sont commises en bande organisée, et se réfère expressément lorsqu'il y a lieu à ladite Convention ainsi qu'au Protocole de Palerme (notamment, corruption : art. 113 à 122-1 CP ; blanchiment du produit d'une infraction : art. 216 à 218-5 CP).

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