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12

juin
2023

Articles

Droit bancaire et financier

Droit international et européen

Droit public

12/ juin
2023

Articles

Droit bancaire et financier — Droit international et européen — Droit public

CEDH ● L’impossibilité d'utiliser des dons déposés sur un compte bancaire sous le prisme du droit à la vie

CEDH, 3e section, Affaire Pitsiladi et Vasilellis c. Grèce, 6 juin 2023, Req. nos 5049/14 et 5122/14 (non-violation de l'article 2 • Droit à la vie • Obligations positives de l'Etat)

SYNTHESE

Les requérants soutenaient à l'appui de leur recours devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) que l'impossibilité d’avoir eu accès à l'argent d'un compte bancaire issu d'une collecte de dons et d’avoir pu le transférer à un hôpital situé aux États-Unis afin que leur fils atteint d'une maladie grave y suive un traitement, avait conduit au décès de ce dernier, en violation du droit à la vie protégé par l’article 2 de la Convention.

À l’époque des faits, le cadre législatif relatif aux collectes de dons datant de 1931 ne couvrait pas le cas des collectes d’argent sur des comptes bancaires. Les autorités nationales ont fini par le modifier, mais les requérants leur reprochaient qu’un délai de 8 mois se soit écoulé pour ce faire. En conséquence, l’autorisation du ministre pour procéder au transfert de la somme avait été accordée 8 mois et demi après la demande déposée par les requérants, soit environ 1 mois après la date ayant été fixée pour commencer la thérapie aux États‑Unis.

Le fils des requérants est décédé deux jours après la décision rendue par le ministre. Ils soutenaient que si le ministre avait donné son autorisation à temps, la maladie de leur fils aurait sans doute été traitée ou sa vie aurait été prolongée.

La CEDH a examiné le grief des requérants du point de vue des obligations positives de l’État de mettre en place un cadre réglementaire pour la protection de la santé de ses citoyens, et conclu à la non-violation de l'article 2 de la Convention.

Elle retient la bonne foi des autorités nationales qui ont modifié la loi datant de 1931 pour permettre aux requérants d’accéder aux dons, et l'impossibilité de constater un lien de causalité entre la conduite des autorités et le décès de l’enfant.

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L'arrêt du 6 juin 2023 n'a pas été adopté à l'unanimité (six voix contre une).

Dans son opinion dissidente, le juge considère également que l’État défendeur a dûment satisfait aux obligations positives qui lui incombaient de fournir des services adéquats dans le cadre du système de santé public.

S'il ne s'est pas rallié à la majorité, c'est au motif que les restrictions catégoriques imposées par une législation archaïque ont selon lui induit une ingérence injustifiée de l’État dans les efforts déployés par les requérants pour utiliser des fonds recueillis par des particuliers aux fins d’obtenir dans les meilleurs délais le meilleur traitement possible pour la maladie dont souffrait leur fils et qui mettait sa vie en danger. Une ingérence vue comme une atteinte au droit à la vie tel que garanti par l’article 2 de la Convention.

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Cette affaire est notable au moins à deux titres.

D'une part, elle a soulevé pour la première fois la question de savoir si les obligations positives incombant à l'Etat en vertu de l'article 2, § 1 de la Convention qui dispose que "Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi", incluent celle de financer la santé publique (exception préliminaire de l'Etat concernant l'incompatibilité ratione materiae des requêtes avec les dispositions de la Convention). Ce à quoi la Cour ne répond en définitive pas.

D'autre part, elle est une illustration de la mobilisation du droit à la vie sur des terrains moins évidents, en l'espèce bancaire.

Dans l'action en indemnisation engagée au niveau interne contre la banque et ses employés, les requérants avaient soutenu que le blocage illégal du compte et le refus par la banque de transférer le montant qui y avait été déposé avaient rendu impossible le traitement de leur fils à l’étranger et avait conduit à sa mort.

Le Tribunal de première instance leur avait fait droit, jugeant que les employés considérés, qui avaient choisi de protéger d’autres biens juridiques en violant les droits fondamentaux à la dignité humaine et à la vie, étaient responsables de la mort de leur fils. Le Tribunal avait également retenu la responsabilité de la banque pour les omissions de ses agents.

Puis la Cour d'appel avait infirmé le jugement et rejeté les demandes d’indemnisation des requérants, considérant qu’en ayant refusé de transférer les montants, la banque n’avait pas agi illégalement, et que la conduite de ses employés était conforme à la loi, lesquels en agissant autrement auraient engagé leur responsabilité pénale et disciplinaire, ce qui avait été finalement confirmé par la Cour de cassation.

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