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24

nov.
2025

Actualités juridiques

Droit pénal

24/ nov.
2025

Actualités juridiques

Droit pénal

Sécurité routière : renforcement de l'arsenal pénal (Loi n° 1.582 du 14 novembre 2025)

La Loi n° 1.582 du 14 novembre 2025 portant diverses mesures relatives au renforcement de la sécurité routière (JDM n° 8774 du 21 novembre 2025) est issue du projet de loi n° 1107 reçu par le Conseil National le 30 avril 2025. Il a été déposé en séance publique du 15 mai 2025, renvoyé devant la Commission Législation, et voté le 6 novembre 2025.

Présentation

La réforme s'inscrit dans un contexte marqué par une hausse significative des comportements routiers à risque, notamment la conduite sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, ainsi que les excès de vitesse.

L’Exposé des motifs débute par un rappel des accidents de la route les plus graves survenus à Monaco entre 2023 et 2024, avant de constater que "Si les réglementations en vigueur ont permis des avancées notables, l'évolution des comportements, des pratiques de conduite et des circonstances économiques et sociales appelle à une adaptation des dispositions législatives."

La Loi n° 1.582 renforce les sanctions applicables aux infractions routières, avec une "volonté de responsabilisation accrue des conducteurs, d'intensification des moyens de contrôle et d'harmonisation des dispositions avec les standards internationaux en matière de sécurité routière".

Objectifs de la réforme

Les principaux objectifs de la Loi n° 1.582 qui modifie plusieurs articles du Code pénal (CP) et crée de nouvelles infractions, sont les suivants :

  • Renforcer le caractère dissuasif et proportionné des sanctions liées à la conduite en état alcoolique ou sous stupéfiants ;

  • Aggraver les peines encourues par les conducteurs professionnels ;

  • Étendre les possibilités de dépistage, sans conditions restrictives (même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident) ;

  • Réprimer plus sévèrement le refus d’obtempérer ou de collaborer aux vérifications ;

  • Délictualiser la réitération de dépassement de vitesse supérieur à 50 km/h.

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Contenu de la Loi n° 1.582

La réforme introduit un équilibre entre prévention (dépistage étendu), répression (alourdissement des peines) et sécurité juridique (cohérence des textes). Elle s'inspire dans une certaine mesure du droit français en l'adaptant aux spécificités locales.

→ Conduite en état d’ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique (modification de l’article 391-13 CP)

  • La peine maximale d’emprisonnement est portée de 6 mois à 2 ans. Cf. article L. 234-1 du Code de la route français (CR fr.)

  • En cas de récidive : la peine d’amende (de 2 250 à 9 000 €) peut être élevée (de 18 000 à 90 000 €), en sus de l’augmentation de la peine d’emprisonnement déjà prévue à l’article 40 CP.

A noter : la Commission de Législation a supprimé la possibilité de cumul de peines concernant les délits de conduite en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants au motif "qu’un tel cumul pouvait conduire à prononcer des sanctions dépassant le seuil des peines criminelles pour de simples délits. Compte tenu de ce risque d’imprévisibilité et du caractère potentiellement disproportionné des peines encourues". Le texte d'origine était inspiré par l'article L. 235-1, I CR fr. (cumul entre la conduite sous l'emprise de stupéfiants et la conduite sous l'empire d'un état alcoolique). Le cumul de peines est limité au délit de refus d’obtempérer et au délit de fuite. Cf. article L. 233-1, II CR fr. (cumul pour le refus d'obtempérer)

→ Dépistage de l’alcoolémie (modification de l’article 391-14 CP)

  • Régime de contrôle obligatoire pour : 1° l'auteur présumé d'un délit (conduite en état d’ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique ou autre infraction à la police de la circulation routière constituant un délit) ; 2° l'auteur d’une des contraventions suivantes : - le franchissement d’une ligne continue ; - le dépassement des limites de vitesse ; - le non-respect des feux de circulation du système tricolore ; 3° le conducteur d'un véhicule terrestre impliqué dans un accident de la circulation ; 4° tout conducteur d'un véhicule terrestre, au titre de contrôles préventifs mis en œuvre sur décision motivée du Ministre d'État en matière de sécurité nationale (article 1er de la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016, modifiée).
  • Régime de contrôle facultatif pour la victime d'un accident de la circulation qui peut également faire l'objet d'un dépistage.
  • Précision des modalités de dépistage, par analyse ou examen médical, chimique ou biologique ("notamment par analyse sanguine").

Conduite sous l'emprise de stupéfiants (modification de l’article 391-15 CP)

  • La peine maximale d’emprisonnement est portée de 6 mois à 2 ans. Cf. article L. 235-1, I CR fr.

  • En cas de récidive : la peine d’amende (de 2 250 à 9 000 €) peut être élevée (de 18 000 à 90 000 €), en sus de l’augmentation de la peine d’emprisonnement déjà prévue à l’article 40 CP.

  • Les dispositions relatives au dépistage sont transférées dans un nouvel article (391-15-1 CP) pour améliorer la cohérence du texte (voir ci-après).

A noter : comme indiqué supra, la Commission de Législation a supprimé la possibilité de cumul de peines concernant les délits de conduite sous l’emprise de stupéfiants et en état d’ivresse.

→ Dépistage de l'usage de stupéfiants (nouvel article 391-15-1 CP)

  • Régime de contrôle obligatoire pour : la personne soupçonnée d'avoir commis le délit de conduite sous l'emprise de stupéfiants ; 2° l'auteur d’une des contraventions suivantes : - le franchissement d’une ligne continue ; - le dépassement des limites de vitesse ; - le non-respect des feux de circulation du système tricolore ; le conducteur d'un véhicule terrestre en état d'ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique ; 4° le conducteur d'un véhicule terrestre impliqué dans un accident de la circulation ; tout conducteur d'un véhicule terrestre, au titre de contrôles préventifs mis en œuvre sur décision motivée du Ministre d'État en matière de sécurité nationale (article 1er de la loi n° 1.430 du 13 juillet 2016, modifiée).
  • Régime de contrôle facultatif pour la victime d'un accident de la circulation qui peut également faire l'objet d'un dépistage.
  • Le refus de dépistage est puni comme la conduite sous stupéfiants : 2 ans d'emprisonnement et 4.500 euros d'amende. Cf. article L.235-3, I CR fr.

→ Aggravation des peines à l'encontre des conducteurs professionnels (nouvel article 391-15-2 CP)

  • Conducteurs de poids lourds, de bus, toute autre personne détentrice d'un titre ou d'un document délivré par une administration publique, en vue de reconnaitre un droit ou d'accorder une autorisation, destiné au transport de personnes.
  • Aggravation des peines relatives à la conduite sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants lorsque l'infraction est commise pendant le service : emprisonnement de 6 mois à 3 ans et amende de 9.000 à 18.000 euros.

→ Peines complémentaires (modification de l'article 391-16 CP)

  • Extension des peines complémentaires à la conduite sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants (renvoi aux nouveaux articles 391-13 à 391-15-1 CP) et au refus de ses soumettre aux tests de dépistage (renvoi aux articles 391-14 et 391-15-1 CP).

  • Nouvelle peine complémentaire pouvant être prononcée par le juge : "7° accomplissement, à leurs frais, d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière".

  • Clarification de la peine complémentaire 5° d’immobilisation du véhicule terrestre dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction : possible si l'auteur de l'infraction en est le propriétaire ou le locataire, avec précision des conditions permettant au propriétaire de reprendre possession de son véhicule (via un conducteur qualifié). Le Rapport sur le projet de loi précise que "Le Gouvernement et la Commission se sont accordés sur le fait que le prêt à titre gratuit n’est pas visé par cette disposition de sorte que le véhicule terrestre ne pourra pas être immobilisé, dans cette hypothèse, sur ce fondement". Cf. art. L. 325-1-2 et L. 235-1, III CR fr.

  • En cas de récidive (article 40 CP : récidive des délits de droit commun lorsque la personne a été condamnée la première fois à une peine d'emprisonnement) dans les 5 ans, insertion d'une peine automatique de confiscation du véhicule dont le condamné est propriétaire, sauf décision contraire motivée de la juridiction. Cf. art. L. 234-2, L. 235-2, L. 234-8 et L. 235-3 CR fr. (confiscation même en l'absence de récidive en droit français).

→ Nouvelles infractions (articles 391-16-1 à 391-16-5 CP)

  • (Article 391-16-1 CP) Refus de se soumettre aux vérifications des documents de conduite ou de véhicule (prévues à l'article 130 du Code de la route) : 1 à 3 mois d’emprisonnement, 1.000 à 2.250 euros d'amende. Peines complémentaires prévues à l'article 391-16. CP. Le refus de contrôles et vérifications d'identité est sanctionné par l'article 2 de la Loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 relative à la préservation de la sécurité nationale, modifiée. Cf. art. L. 233-2 CR fr. (visant les vérifications relatives au véhicule ou à la personne).

  • (Article 391-16-2 CP) Refus de s'arrêter immédiatement à la première injonction des agents de l'autorité (en application du deuxième alinéa de l'article 10 du Code de la route) : 3 mois à 2 ans d'emprisonnement, 9.000 à 18.000 euros d'amende. Aggravation de la peine : lorsque les faits sont commis dans des circonstances exposant directement autrui (1 à 5 ans d'emprisonnement, 9.000 à 18.000 euros pouvant aller jusqu'au quadruple) ou les agents de l'autorité (1 à 7 ans d'emprisonnement, 18.000 à 90.000 euros d'amende) à un risque de mort ou de blessures de nature à entrainer une mutilation ou une infirmité permanente. Peines complémentaires prévues à l'article 391-16. CP. En cas de récidive dans les 5 ans : possibilité d'annulation du permis avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant une durée ne pouvant excéder 10 ans ; confiscation du véhicule dont le condamné est propriétaire, sauf motivation contraire de la juridiction. Cumul des peines. Cf. articles L. 233-1, I et L. 233-1-1, I CR fr.

  • (Article 391-16-3 CP) Refus de s'arrêter après avoir occasionné un accident (en application du troisième alinéa de l'article 10 du Code de la route) : 3 mois à 3 ans d'emprisonnement, 9 000 à 18 000 euros d'amende pouvant aller jusqu'au quadruple. Peine doublée si l'accident a causé la mort ou des blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente. Peines complémentaires prévues à l'article 391-16 CP. Cumul des peines. Cf. article 434-10, alinéa 2 CR fr.

  • (Article 391-16-4 CP) Organisation d'une course ou toute épreuve comprenant la participation d'au moins un véhicule terrestre se déroulant en tout ou partie sur la route sans autorisation (prévue par l'article 46 du Code de la route), ou appeler par tout moyen à la tenue d'une telle course ou épreuve :

  • 1 à 6 mois d’emprisonnement et/ou 2 000 à 9 000 euros d'amende. Peines complémentaires prévues à l'article 391-16 CP. A noter : la Commission a revu le quantum pour les personnes physiques prévu à l'origine par le Gouvernement (6 mois d’emprisonnement, 7.500 euros d’amende) qui était coordonné avec celui prévu par l'article 108 du projet de loi n° 1.088 sur le sport en cours d'étude, sanctionnant l'organisation d'une manifestation sportive sans autorisation). La Commission a précisé avoir "préféré adopter le système des peines aujourd’hui généralement admis dans le Code pénal" et qu'elle veillera "évidemment, à harmoniser ces dispositions avec celles du projet de loi n° 1088". Par ailleurs, la Commission a supprimé l'amende de 50.000 euros à l'origine prévue pour les personnes morales, au motif que "l’article 29-2 du Code pénal prévoit déjà que l’amende applicable à ces personnes est égale au quintuple de celle encourue par les personnes physiques, soit en l’espèce 45 000 euros, ce qui la rapproche du quantum de 50 000 euros initialement prévu par le projet de loi."

  • (Article 391-16-5 CP). Délictualisation de la réitération d'un dépassement de vitesse de plus de 50 km/h dans les 5 ans : 1 à 3 mois d'emprisonnement, 1.000 à 2.250 euros d'amende pouvant aller jusqu'au double. Peines complémentaires prévues à l'article 391-16 CP. Cf. article L. 413-1 CR fr.

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