15
mai
2025
Actualités juridiques
Droit pénal
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Sécurité routière : renforcement de l'arsenal pénal (projet de loi n° 1107)
Le projet de loi n° 1107 portant diverses mesures relatives au renforcement de la sécurité routière (2025-04, 16 avril 2025), reçu par le Conseil National le 30 avril 2025, s'inscrit dans un contexte marqué par une hausse significative des comportements routiers à risque, notamment la conduite sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants, ainsi que les excès de vitesse.
L’Exposé des motifs débute par un rappel des accidents de la route les plus graves survenus à Monaco entre 2023 et 2024, avant de constater que "Si les réglementations en vigueur ont permis des avancées notables, l'évolution des comportements, des pratiques de conduite et des circonstances économiques et sociales appelle à une adaptation des dispositions législatives."
Le Gouvernement entend ainsi renforcer les sanctions applicables aux infractions routières graves, avec une "volonté de responsabilisation accrue des conducteurs, d'intensification des moyens de contrôle et d'harmonisation des dispositions avec les standards internationaux en matière de sécurité routière".
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Objectifs de la réforme
Les principaux objectifs du projet de loi n° 1107 qui modifie plusieurs articles du Code pénal (CP) et crée de nouvelles infractions, sont les suivants :
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Renforcer le caractère dissuasif et proportionné des sanctions liées à la conduite en état alcoolique ou sous stupéfiants ;
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Aggraver les peines encourues par les conducteurs professionnels ;
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Étendre les possibilités de dépistage, sans conditions restrictives (même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident) ;
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Réprimer plus sévèrement le refus d’obtempérer ou de collaborer aux vérifications ;
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Délictualiser la réitération de dépassement de vitesse supérieur à 50 km/h.
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Dispositif du projet de loi n° 1107 (avant passage en Commission)
La réforme introduit un équilibre entre prévention (dépistage étendu), répression (alourdissement des peines) et sécurité juridique (cohérence des textes). Elle s'inspire du droit français en l'adaptant aux spécificités locales.
→ Conduite en état d’ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique (modification de l’article 391-13 CP)
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La peine maximale d’emprisonnement est portée de 6 mois à 2 ans. Cf. article L. 234-1 du Code de la route français (CR fr.)
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Possibilité de cumuler les peines applicables à cette infraction et celles prononcées pour d'autres infractions commises en matière de conduite. Cf. article L. 233-1, II CR fr. (cumul pour le refus d'obtempérer) et L. 235-1, I CR fr. (cumul entre la conduite sous l'emprise de stupéfiants et la conduite sous l'empire d'un état alcoolique).
→ Dépistage de l’alcoolémie (modification de l’article 391-14 CP)
- Extension des possibilités de dépistage à tout conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, même en l'absence d'infraction préalable ou d'accident (suppression de ces conditions restrictives antérieures). Cf art. L.234-9 CR fr.
→ Conduite sous l'emprise de stupéfiants (modification de l’article 391-15 CP)
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La peine maximale d’emprisonnement est portée de 6 mois à 2 ans. Cf. article L. 235-1, I CR fr.
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Possibilité de cumuler les peines.
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Les dispositions relatives au dépistage sont transférées dans un nouvel article pour améliorer la cohérence du texte (voir ci-après).
→ Dépistage de l'usage de stupéfiants (nouvel article 391-15-1 CP)
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Extension de la possibilité de dépistage des stupéfiants à tout conducteur, sans conditions restrictives. Le refus de dépistage est puni comme la conduite sous stupéfiants : 2 ans d'emprisonnement et 4.500 euros d'amende. Cf. article L.235-3, I CR fr.
→ Aggravation des peines à l'encontre des conducteurs professionnels (nouvel article 391-15-2 CP)
- Conducteurs de poids lourds, de bus, toute autre personne détentrice d'un titre ou d'un document délivré par une administration publique, en vue de reconnaitre un droit ou d'accorder une autorisation, destiné au transport de personnes.
- Aggravation des peines relatives à la conduite sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants lorsque l'infraction est commise pendant le service : emprisonnement de 6 mois à 3 ans et amende de 9.000 à 18.000 euros.
→ Peines complémentaires (modification de l’article 391-16 CP)
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Extension des peines complémentaires à la conduite sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants (renvoi aux nouveaux articles 391-13 à 391-15-1 CP) et au refus de ses soumettre aux tests de dépistage (renvoi aux articles 391-14 et 391-15-1 CP).
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Clarification de la peine complémentaire d'’immobilisation du véhicule, possible même si l'auteur de l'infraction en est locataire, avec précision des conditions permettant au propriétaire de reprendre possession de son véhicule (via un conducteur qualifié). Cf. art. L. 325-1-2 et L. 235-1, III CR fr.
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En cas de récidive (article 40 CP : récidive des délits de droit commun lorsque la personne a été condamnée la première fois à une peine d'emprisonnement) dans les 5 ans, insertion d'une peine automatique de confiscation du véhicule dont le condamné est propriétaire, sauf décision contraire motivée de la juridiction. Cf. art. L. 234-2, L. 235-2, L. 234-8 et L. 235-3 CR fr. (confiscation même en l'absence de récidive en droit français).
→ Nouvelles infractions (articles 391-16-1 à 391-16-5 CP)
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(Article 391-16-1 CP) Refus de se soumettre aux vérifications des documents de conduite ou de véhicule (prévues à l'article 130 du Code de la route) : 1 à 3 mois d’emprisonnement, 1.000 à 2.250 euros d'amende. Peines complémentaires prévues à l'article 391-16. CP. Le refus de contrôles et vérifications d'identité est sanctionné par l'article 2 de la Loi n° 1.430 du 13 juillet 2016 relative à la préservation de la sécurité nationale, modifiée. Cf. art. L. 233-2 CR fr. (visant les vérifications relatives au véhicule ou à la personne).
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(Article 391-16-2 CP) Refus de s'arrêter immédiatement à la première injonction des agents de l'autorité (en application du deuxième alinéa de l'article 10 du Code de la route) : 3 mois à 2 ans d'emprisonnement, 9.000 à 18.000 euros d'amende. Aggravation de la peine : lorsque les faits sont commis dans des circonstances exposant directement autrui (1 à 5 ans d'emprisonnement, 9.000 à 18.000 euros pouvant aller jusqu'au quadruple) ou les agents de l'autorité (1 à 7 ans d'emprisonnement, 18.000 à 90.000 euros d'amende) à un risque de mort ou de blessures de nature à entrainer une mutilation ou une infirmité permanente. Peines complémentaires prévues à l'article 391-16. CP. En cas de récidive dans les 5 ans : possibilité d'annulation du permis avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant une durée ne pouvant excéder 10 ans ; confiscation du véhicule dont le condamné est propriétaire, sauf motivation contraire de la juridiction. Cumul des peines. Cf. articles L. 233-1, I et L. 233-1-1, I CR fr.
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(Article 391-16-3 CP) Refus de s'arrêter après avoir occasionné un accident (en application du troisième alinéa de l'article 10 du Code de la route) : 3 mois à 3 ans d'emprisonnement, 9 000 à 18 000 euros d'amende pouvant aller jusqu'au quadruple. Peine doublée si l'accident a causé la mort ou des blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente. Peines complémentaires prévues à l'article 391-16 CP. Cumul des peines. Cf. article 434-10, alinéa 2 CR fr.
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(Article 391-16-4 CP) Organisation d'une course ou toute épreuve comprenant la participation d'au moins un véhicule terrestre à moteur se déroulant en tout ou partie sur la route sans autorisation (prévue par l'article 46 du Code de la route), ou appeler par tout moyen à la tenue d'une telle course ou épreuve : 6 mois d’emprisonnement, 7.500 euros d’amende pour les personnes physiques (ce quantum est coordonné avec celui prévu par l'article 108 du projet de loi n° 1.088 sur le sport en cours d'étude, sanctionnant l'organisation d'une manifestation sportive sans autorisation), 50.000 euros pour les personnes morales. Peines complémentaires prévues à l'article 391-16 CP.
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(Article 391-16-5 CP). Délictualisation de la réitération d'un dépassement de vitesse de plus de 50 km/h dans les 5 ans : 1 à 3 mois d'emprisonnement, 1.000 à 2.250 euros d'amende pouvant aller jusqu'au double. Peines complémentaires prévues à l'article 391-16 CP. Cf. article L. 413-1 CR fr.
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