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02

janv.
2024

Actualités juridiques

Droit pénal

02/ janv.
2024

Actualités juridiques

Droit pénal

Loi n° 1.555 du 14 décembre 2023 relative à l’indemnisation des victimes d’infractions à caractère sexuel, de crimes et de délits envers l’enfant, de violences domestiques et d'autres infractions portant atteinte aux personnes

La Loi n° 1.555 du 14 décembre 2023 relative à l'indemnisation des victimes d'infractions à caractère sexuel, de crimes et délits envers l'enfant, de violences domestiques et d'autres infractions portant atteinte aux personnes (JDM n° 8675 du 29 décembre 2023) est issue du projet de loi n° 1074, reçu par le Conseil National le 19 décembre 2022 et voté le 7 décembre 2003.

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Présentation

Cette réforme s'inscrit dans la droite ligne de la Recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe CM/Rec(2023)2 sur les droits, les services d’aide et le soutien des victimes de la criminalité, adoptée le 15 mars 2023 (remplaçant la CM/Rec(2006)8 sur l’assistance aux victimes d’infractions, adoptée le 14 juin 2006) et de la Déclaration des Nations Unies 40/34 des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d’abus de pouvoir, adoptée le 29 novembre 1985 (Monaco n'est pas partie à la Convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes (STE n° 116) signée à Strasbourg le 24 novembre 1983).

La Loi n° 1055 a pour objet « d’instituer un système d’indemnisation {par l'Etat] des victimes à l’effet de pallier l’insolvabilité des auteurs d’infractions », ainsi que « de mieux reconnaître le caractère dévastateur des violences à l’égard des femmes et, partant de renforcer la compatibilité des mesures prises au plan national avec [l]es engagements internationaux » de Monaco (Exposé des motifs, p. 3).

C'est "une avancée majeure destinée à venir en aide aux victimes qui rencontrent des difficultés pour obtenir de la personnes condamnée le paiement des dommages-intérêts qui leur ont été octroyés par une décision de justice" (Rapport sur le projet de loi n° 1074, p. 1).

Pourront donner lieu à cette indemnisation les condamnations devenues exécutoires à compter 30 décembre 2023 (lendemain de la publication de la Loi).

La Loi sera complétée par une ordonnance souveraine en déterminant les modalités et conditions d'application.

Il est à noter que le Conseil National a invité le Gouvernement "à engager des réflexions pour compléter le dispositif" aux fins "d'élargir le système d'indemnisation aux victimes d'infractions pénales dont la plainte aurait fait l'objet d'un classement sans suite, au seul motif que l'auteur de l'infraction n'a pu être identifié et alors même que les faits et le préjudice subi sont matériellement établis" (Rapport sur le projet de loi n° 1074, p. 4).

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SYNTHESE

— Champ des infractions pouvant donner lieu à indemnisation (art. 2) :

Sous réserve des conditions cumulatives d'accès (voir ci-dessous), peut bénéficier d'une indemnisation, toute personne physique qui a obtenu une condamnation au paiement de dommages et intérêts ou d'une provision à l'encontre de la personne condamnée pour les infractions suivantes :

  1. Crimes et délits contre les personnes [Livre III, Titre II, Chapitre Ier du Code pénal - à l'exclusion des art. 248 (avortement), 249 (aliments et boissons falsifiés), 281 (défaut de déclaration par une personne ayant assisté à un accouchement), 282 (non-remise à l'officier de l'état civil d'un enfant nouveau-né trouvé), 300 à 308-1 bis (faux témoignage, dénonciation calomnieuse, révélation de secrets), et 308-6 (usurpation d'identité)] ;
  2. Actes de terrorisme (Livre III, Titre III du Code pénal) ;
  3. Traite des êtres humains (Ordonnance Souveraine n° 605 du 1er août 2006).

La Juridiction monégasque qui prononce la condamnation doit indiquer dans sa décision la possibilité pour la victime de saisir l°) le Directeur des Services Judiciaires d'une demande d'indemnisation, 2°) les services de l'Etat en charge de l'aide aux victimes ou toute association conventionnée d'aide aux victimes.

— Conditions cumulatives donnant accès à l’indemnisation (art. 1er) :

1°) Avoir bénéficié d’une décision exécutoire d’une juridiction monégasque, ou irrévocable d'une juridiction étrangère pour la victime de nationalité monégasque, accordant des dommages et intérêts ou le versement d'une provision en réparation du préjudice subi du fait d’une des infractions précitées ;

2°) ne pas être parvenu à obtenir le paiement de l’intégralité des dommages et intérêts ou de la provision et des sommes allouées au titre des frais de procédure ;

3°) avoir adressé par LRAR, une mise en demeure à la personne condamnée de verser l'intégralité des dommages et intérêts ou de la provision, s’étant avéré infructueuse. En cas de condamnation solidaire, la mise en demeure doit avoir été adressée à toutes les personnes condamnées. Cette condition est réputée remplie dès lors que : - la mise en demeure a été adressée à l'adresse de la personne condamnée figurant sur la décision, ou - la mise en demeure a été adressée à la personne civilement responsable, ou - la personne condamnée n'a pas adresse connue, ou la personne condamnée est décédée.

— La demande d’indemnisation doit être adressée au Directeur des Services Judiciaires, avec ou sans avocat (art. 3, 4, 5) :

La demande d'indemnisation, individuelle, peut être introduite par la victime, ou par son représentant légal, ou pas son défenseur (en cas de décès de la victime, également par ses ayants droits), après le délai de 30 jours à compter de la présentation à la personne condamnée de la mise en demeure susvisée (elle doit inclure les mentions et pièces justificatives en langue française déterminées par ordonnance souveraine) :

  • pour les demandeurs majeurs : dans le délai de 2 ans à compter de la décision exécutoire de condamnation (à peine de forclusion qui peut être relevée par le Directeur des Services Judiciaires pour des motifs légitimes). Lorsqu'une mesure d'exécution est exercée par le demander pour recouvrer les sommes dues, le point de départ du délai est reporté à la date de ladite mesure.
  • pour les demandeurs mineurs : dans le délai de 2 ans à compter de la majorité (à peine de forclusion qui peut être relevée par le Directeur des Services Judiciaires pour des motifs légitimes).

— Décision du Directeur des Services Judiciaires, recours (art. 6, 7) :

Le Directeur des Services Judiciaires doit se prononcer sur la recevabilité de la demande et le montant de l'indemnisation dans les 30 jours suivant réception de la demande pour les décisions des juridictions monégasques. Par dérogation le délai est de 3 mois pour les décisions des juridictions étrangères concernant les nationaux monégasques.

La Décision du Directeur des Services Judiciaires qui vaut titre exécutoire, doit être notifiée au demandeur par LRAR. Et lorsqu'une indemnisation est accordée, la Décision doit l'être à la (ou aux) personne condamnées (s) au paiement de dommages et intérêts ou provision

Les Décisions du Directeur des Services Judiciaires peuvent faire l’objet d’un recours de plein contentieux devant le Tribunal de première instance dans le délai d’1 mois suivant la date de leur notification au demandeur.

— Délai de versement et hauteur de l'indemnisation (art. 8, 9, 10) :

L’indemnisation serait versée par l'Etat au demandeur dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision du Directeur des Services Judiciaires. Elle est accordée :

  • en totalité en cas de montant de condamnation inférieur au seuil fixé par ordonnance souveraine ;
  • selon un barème déterminé par ordonnance souveraine au-delà de ce seuil.

Sont déduites du montant d'indemnisation, les sommes déjà perçues par le demandeur (en Principauté ou à l'étranger) qui ont été versées par le condamné ou qui proviennent de toute autre source (par exemple, prestations de sécurité sociale, remboursement des frais de traitement médical ou de rééducation, indemnités journalières de mutuelle...), au titre du préjudice sur lequel se fonde la demande. La nature de ces sommes est déterminées par ordonnance souveraine.

— Remboursement de l'indemnisation versée (art. 11, 12) :

La victime doit rembourser les sommes qui lui sont versées par l'Etat au prorata lorsque postérieurement au versement de l'indemnisation, elle perçoit au titre du même préjudice, un des sommes susvisées. Le remboursement est total en cas de manœuvre pour tromper la Direction des Services Judiciaires (voir aussi infra, sanctions) . A défaut de remboursement spontané, la Direction des Services Judiciaires peut, après une mise en demeure restée infructueuse au terme d'un délai de 3 mois, exercer une action judiciaire sur le fondement de l'art. 1223 du Code civil.

L'Etat de Monaco est subrogé dans les droits du demandeur pour pouvoir obtenir le remboursement de l’indemnisation par les personnes condamnées. Le Directeur des Services Judiciaires est habilité à représenter l'Etat pour exercer toutes les actions et mesures tendant au recouvrement des sommes versées (y compris les frais d'exécution éventuellement exposés).

— Sanctions (art. 13) :

  • Le fait pour le demandeur d'obtenir ou de tenter d'obtenir une indemnisation au titre de la Loi en ayant indiqué ou fourni des renseignements qu'il savait inexacts, ou de s'être abstenu de fournir des renseignements, dans le but de tromper la Direction des Services Judiciaires, est passible des peines d'emprisonnement et d'amende visées aux art. 93, 103 et 330 du Code pénal.
  • Le non-respect de l'obligation de rembourser les sommes (prévue à l'art. 11) est puni d'une amende de 18 000 à 90 000 €.

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