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10

oct.
2023

Articles

Droit civil

10/ oct.
2023

Articles

Droit civil

France ● Focus sur la tentative de résolution amiable obligatoire pour certains litiges civils à compter du 1er octobre 2023 (article 750-1 CPC)

CIVIL • Règlement amiable des litiges DROIT COMPARÉ • France

Le Décret français n°2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile a rétabli avec les précisions requises par le Conseil d'Etat, l'article 750-1 du Code de procédure civile (CPC) qui subordonne à une tentative préalable de résolution amiable du litige, la recevabilité de certaines demandes en matière civile devant le Tribunal judiciaire. Il est applicable dans sa nouvelle rédaction aux instances introduites à compter du 1er octobre 2023.

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Présentation

L'article 750-1 CPC a été réintroduit dans une version modifiée suite à son annulation par le Conseil d’Etat dans sa précédente rédaction issue du Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile résultant de la Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice en raison de l'indétermination de critères concernant un cas de dispense de l'obligation de tentative de résolution amiable, "de nature à porter atteinte au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen" (CE, 6ème - 5ème chambres réunies, 22 septembre 2022, Requête n° 436939).

Le développement du recours obligatoire à la tentative de résolution amiable dans le pays voisin a pour objectifs de "favoriser des modalités plus apaisées et plus rapides de règlement des différends pour les citoyens" et d'"alléger l'activité des juridictions". Le 13 janvier 2023, a d'ailleurs été lancée la "politique de l’amiable novatrice", un "axe clé du plan d’action issu des États généraux de la Justice" avec l'objectif "de réduire par deux les délais [des] procédures civiles [françaises] d’ici 2027".

A Monaco

C'est l'occasion de rappeler qu'il n'existe pas dans le Code de procédure civile monégasque de disposition équivalente à l'article 750-1 CPC français. Pour autant, la législation monégasque connaît le recours obligatoire à une tentative de conciliation préalable à l'instance juridictionnelle dans certains cas particuliers, comme en matière de divorce (art. 200-2 du Code civil) ou de travail (article 1er de la Loi n° 446).

Le législateur monégasque a récemment estimé qu'il n'apparaissait pas "nécessaire d'étendre les hypothèses dans lesquelles le recours à la médiation serait rendu obligatoire" à Monaco, au motif que "Force est de constater que le développement des modes amiables de règlement des différends, telle que la médiation, se développent surtout dans des Etats qui connaissent un fort encombrement de leurs juridictions et où la justice est jugée trop lente, ce qui n'est pas le cas à Monaco." (Exposé des motifs du projet de loi n° 991 relative à l'instauration d'un droit au compte).

Toutefois, parce qu'elle est un outil de pacification des relations, la médiation a vocation à se développer aussi à Monaco, ainsi en matière familiale sur proposition du juge depuis la Loi n° 1.450 du 4 juillet 2017 (article 202-4 du Code civil) ou en matière pénale à la demande ou avec l'accord de la victime depuis la Loi n° 1.533 du 9 décembre 2022 (article 34-1 du Code de procédure pénale).

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SYNTHESE

Les cas où la tentative de résolution amiable du litige (choix entre 3 modes) est obligatoire avant de pouvoir engager une action devant le Tribunal judiciaire :

L'article 750-1 CPC prévoit que la demande en justice qui tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5.000 euros ou qui est relative à l'une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du Code de l'organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage, doit être précédée au choix des parties, d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice (gratuite), d'une tentative de médiation ou d'une tentative de procédure participative, à peine d'irrecevabilité que le juge peut prononcer d'office.

La tentative de résolution amiable est ainsi un préalable obligatoire aux actions suivantes (devant le Tribunal judiciaire incluant le Tribunal de proximité) :

  • action en paiement d'une somme inférieure ou égale à 5.000 euros ;
  • action en bornage ;
  • action relative à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l'usage des lieux pour les plantations ou l'élagage d'arbres ou de haies ;
  • action relative aux constructions et travaux près ou contre un mur, mentionnés à l'article 674 du Code civil (puits ou fosse d'aisance, cheminée ou âtre, forge, four ou fourneau, étable, magasin de sel ou amas de matières corrosives) :
  • action relative au curage des fossés et canaux servant à l'irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
  • contestations relatives à l'établissement et à l'exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du Code rural et de la pêche maritime (servitudes dites d'aqueduc, d'appui, d'écoulement), 640 et 641 du Code civil (servitudes qui dérivent de la situation des lieux) ainsi qu'aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
  • contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l'Ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires (servitudes d'établissement, d'aménagement, de passage et d'appui) ;
  • action relative à un trouble anormal de voisinage (bruits de voisinage liés au comportement, bruits d'activités professionnelles, nuisance olfactives).

Sont exclus du champ d'application de l'article 750-1 CPC, les litiges relatifs à l'application des dispositions mentionnées à l'article L. 314-26 du Code de la consommation : crédit à la consommation, crédit immobilier, regroupement de crédits, sûretés personnelles, délai de grâce, lettre de change et billets à ordre, règle de conduite et rémunération, formation du prêteur et de l'intermédiaire (en application de l'article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle).

Les cas de dispense de l'obligation de tentative préalable de résolution amiable du litige :

L'article 750-1 CPC prévoit 5 cas où les parties sont dispensées de l'obligation de tentative de résolution amiable :

  1. si l'une des parties au moins sollicite l'homologation d'un accord ;
  2. lorsque l'exercice d'un recours préalable est imposé auprès de l'auteur de la décision ;
  3. si l'absence de recours à l'un des modes de résolution amiable mentionnés est justifiée par un motif légitime tenant soit à l'urgence manifeste, soit aux circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu'une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à 3 mois à compter de la saisine d'un conciliateur* ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;
  4. si le juge ou l'autorité administrative doit, en application d'une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;
  5. si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances par le commissaire de justice, conformément à l'article L. 125-1 du Code des procédures civiles d'exécution.

* Le Conseil d'Etat avait annulé l'article 750-1 CPC dans sa rédaction antérieure, au motif que "si les dispositions du 3° de l'article 750-1 du code de procédure civile explicitent le fait que l'indisponibilité de conciliateurs de justice permettant de déroger à l'obligation de tentative préalable de règlement amiable (...) doit être appréciée par rapport à la date à laquelle la première réunion de conciliation peut être organisée, en se bornant à préciser par ailleurs que cette réunion ne doit pas intervenir dans "un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige", elles n'ont pas défini de façon suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels cette indisponibilité pourra être regardée comme établie." (CE, 6ème - 5ème chambres réunies, 22 septembre 2022, Requête n° 436939).

Le Conseil d'Etat a en revanche rejeté le moyen fondé sur l'atteinte au principe d'égalité devant la justice. Les requérants ont allégué "que certains justiciables peuvent avoir recours à un mode de règlement amiable des litiges payant, qui leur permettrait plus aisément d'échapper à l'irrecevabilité de leur demande en justice, alors que les autres justiciables, ne pouvant avoir recours qu'à la conciliation, qui constitue le seul mode gratuit de règlement amiable des litiges, se trouveraient exposés à une telle irrecevabilité de leur demande s'ils n'arrivent pas à établir l'indisponibilité de conciliateurs de justice". Le Conseil d'Etat a considéré qu'aucune des dispositions attaquées n'instaurait "de différence de traitement entre les justiciables faisant le choix de recourir à un conciliateur de justice."

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