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13/ mai
2025

Actualités juridiques

Droit social

Rupture conventionnelle du contrat de travail, période d'essai, délai de préavis et autres actualisations du droit social : projet de loi n° 1108

Le projet de loi n°1108 instituant la rupture conventionnelle du contrat de travail et portant modification de certaines dispositions de la loi n°729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail, modifié et de l’ordonnance-loi n°677 du 2 décembre 1959 sur la durée du travail, modifiée (2025-03, 31 mars 2025), déposé sur le Bureau du Conseil National le 30 avril 2025, est issu de la proposition de loi n° 259 adoptée par le Conseil National le 28 novembre 2023.

Le Gouvernement a amendé le dispositif initial proposé par le Conseil National. La Commission parlementaire auquel le projet de loi n° 1108 sera renvoyé pourra également procéder à des amendements d'ajouts ou de suppression.

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SYNTHESE

Le projet de loi n° 1108 :

  • consacre la rupture conventionnelle du contrat de travail ;
  • actualise plusieurs règles afin de "sécuriser les rapports entre l'employeur et le salarié" et "encadrer plus efficacement l'arrivée de ce dernier dans une entreprise" (Exposé des motifs du projet de loi n° 1108), notamment :
    • précision du régime de la période d'essai qui peut être renouvelée une fois ;
    • complétions relatives au délai de préavis ou délai-congé, simplifié ;
    • formalisation par écrit du contrat de travail conclu pour une durée de travail hebdomadaire inférieure à la durée légale ou considérée comme équivalente par une convention collective du travail ou un accord d'entreprise ;
    • extension au mineur émancipé pour d'autres motifs que le mariage de la possibilité de conclure un contrat de travail à Monaco sans l'assistance de son représentant légal ;
    • suppression de l'exemption des droits de timbre et d'enregistrement pour les contrats de travail des ouvriers et des gens de maison.

Entrée en vigueur :

  • Les dispositions relatives à la rupture conventionnelle du contrat de travail (art. 1 à 9) entrent en vigueur à compter de l'assimilation de la rupture conventionnelle issue de la loi monégasque à la rupture conventionnelle existant dans le pays voisin, et ce, au regard du régime d'assurance chômage visé par le Protocole d'accord du 8 mars 1968 instituant un régime conventionnel d'aide financière aux travailleurs involontairement privés d'emploi, visé par l'Arrêté Ministériel n° 68-151 du 8 avril 1968. La rupture conventionnelle est encadrée par le pays voisin aux articles L1237-11 à L1237-16 du Code du travail issus de la Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail.
  • Les dispositions relatives au contrat de travail conclu pour une durée de travail hebdomadaire inférieure à la durée légale ou considérée comme équivalente par une convention collective du travail ou un accord d'entreprise (art. 15 modifiant l'Ordonnance-Loi n° 677) entrent en vigueur dans un délai de 6 mois à compter de la publication de la Loi au Journal de Monaco.
  • Les autres dispositions de la Loi (art. 10 à 14 modifiant la Loi n° 729) sont d'application immédiate (à compter du lendemain de sa publication au Journal de Monaco).

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DISPOSITIF DU PROJET DE LOI N° 1108 (avant renvoi en Commission)

• Consécration de la rupture conventionnelle du contrat de travail (CDI uniquement)

L'Exposé des motifs du projet de loi n° 1108 rappelle que "La rupture conventionnelle se distingue de la rupture négociée, aussi dite amiable, du contrat de travail, laquelle est déjà admise par les juridictions sur le fondement du second alinéa de l'article 11 de la Loi n° 729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail modifiée, qui dispose que "la rupture du contrat [à durée indéterminée] peut intervenir sans préavis si elle résulte de l'accord des parties"".

A la différence de la rupture négociée (rare en pratique), la rupture conventionnelle d'un contrat de travail à durée indéterminée (CDI) "est l'aboutissement d'un processus rapide, organisé et contrôlé [homologation de l'inspecteur du travail], ce qui participe à sauvegarder les intérêts des parties" : liberté du consentement des parties, "indemnisation équitable et satisfaisante".

Contrairement à la proposition de loi n° 259 qui prévoyait l'insertion de la rupture conventionnelle du contrat de travail dans la Loi n° 729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail, le projet de loi n° 1108 (L.) l'intègre dans son Chapitre premier, avec des modifications du dispositif initial. Ses dispositions sont d'ordre public :

→ La rupture conventionnelle d'un commun accord entre le salarié et l'employeur (elle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties à peine de nullité ou de requalification), exclusive du licenciement ou de la démission, doit faire l'objet d'une convention conclue par écrit fixant les conditions de la rupture. A peine de nullité, la convention écrite est établie selon les modalités prévues par arrêté ministériel. Elle ne peut être interdite par voie de convention collective. Toute clause contraire est réputée non écrite. (art. 1, 3 L.). Modification

La rupture conventionnelle doit être précédée d'un ou plusieurs entretiens préalables, au cours desquels le salarié peut se faire assister par un délégué du personnel ou par tout autre salarié de l'entreprise. Si le salarié se fait assister, l'employeur peut également se faire assister par une personne de son choix parmi les autres salariés, ou dans les entreprises de moins de 50 salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d'employeurs ou par un autre employeur relavant de la même branche. La convention de rupture est nulle si le salarié ou l'employeur se font assister par une personne non mentionnée ci-avant, ou lorsque l'employeur s'est fait assister alors que le salarié ne l'était pas (art. 2 L.). Modification

La date de rupture effective du contrat de travail est fixée d'un commun accord par les parties, sans que cette date ne puisse toutefois être fixée avant le lendemain de l'homologation de la convention par l'inspection du travail (art. 3 L.).

Le montant de l'indemnité de rupture est fixé d'un commun accord entre les parties, sous réserve des règles suivantes (art. 4 L.) Modification :

  1. Salariés ayant moins de 2 ans d'ancienneté : le montant de l'indemnité ne peut être inférieur à 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets. L'Exposé des motifs intègre les formules de calcul.
  2. Salariés ayant au moins 2 ans d'ancienneté : le montant de l'indemnité ne peut être inférieur au montant de l'indemnité de congédiement fixée en application des dispositions de l'article 1er de la Loi n° 845.
  3. Lorsqu'une convention collective monégasque ou un règlement intérieur accorde, en cas de rupture du contrat de travail à la seule initiative de l'employeur, une indemnité plus favorable au salarié que celle prévue aux chiffres 1°) et 2°), elle n'est pas applicable en cas de rupture conventionnelle. Dans ce cas, l'indemnité prévue au chiffre 2°) s'applique.

Les parties disposent d'un délai de rétractation de 15 jours calendaires à compter de la date de la signature de la convention, un délai plus long pouvant être toutefois déterminé dans la convention. Aucune sanction disciplinaire ne saurait être encourue, ni aucune mesure ayant pour effet d'affecter défavorablement le déroulement de la carrière du salarié pour avoir fait usage de son droit de rétractation (si tel était le cas, ladite sanction ou mesure serait nulle et de nul effet) (art. 5 L.).

Procédure d'homologation par l'inspecteur du travail qui débute à l'issue du délai de rétractation. L'inspecteur du travail dispose d'un délai de 15 jours ouvrables pour vérifier la conformité légale des informations contenues dans la convention de rupture. Ce délai est suspendu en cas de demande de communication de pièces et de réalisation d'entretien avec les parties, ensemble ou séparément. L'entretien avec les parties serait obligatoire lorsque le salarié bénéficie d'une protection au titre de la Loi n° 459 du 19 juillet 1947 portant modification du statut des délégués du personnel, Loi n° 957 du 18 juillet 1974 relative à l'exercice du droit syndical dans les entreprises, ou Loi n° 1.457 du 12 décembre 2017 relative au harcèlement et à la violence au travail (art. 6 L). Modification

Voies de recours (art. 7) Modification :

  • L'homologation ne peut faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la convention de rupture. Tout litige concernant la convention de rupture, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du Tribunal du Travail, à l'exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif.
  • Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d'irrecevabilité, dans un délai de 6 mois à compter de la date d'homologation de la convention de rupture.

Dispositions pénales (art. 8) Modification : liste des infractions punies d'une peine d'amende allant de 1.000 à 2.250 € (information inexacte dans la convention par mauvaise foi ; recours à la rupture conventionnelle, conditions ou modalités insérées par dol, violence, contrainte ou menace ; sanction disciplinaire ou mesure disciplinaire ayant pout objet ou pour effet d'affecter défavorablement le déroulement de la carrière à l'égard du salarié qui refuse de conclure une convention ; infractions concernant le versement de l'indemnité).

• Modification de la Loi n° 729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail, modifiée

Le projet de loi n° 1108 amende le dispositif initialement proposé par le Conseil National : modifications, nouveautés, et suppression de la présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié qui était envisagée par la proposition de loi n° 259.

→ Ajout des "hypothèses dans lesquelles la loi impose une forme particulière" au contrat de travail (art. 2 L. 729), du fait de l'insertion dans l'Ordonnance-Loi n° 677 d'un article consacré aux contrats de travail conclus pour une durée de travail hebdomadaire inférieure à la durée légale, devant être formalisés par écrit. Nouveau

→ Extension aux mineurs émancipés pour d'autres motifs que le mariage de la possibilité de conclure un contrat de travail à Monaco sans l'assistance de son représentant légal (art. 2 L. 729). Cette modification tient compte "des législations étrangères [qui] admettent l'émancipation du mineur pour d'autres raisons" que le mariage. "C'est le cas en droit français, le juge pouvant émanciper un mineur en présence de «justes motifs ». L'article 13 du Code DIP prévoit que "Les jugements rendus par les tribunaux étrangers et passés en force de chose jugée sont reconnus de plein droit dans la Principauté s'il n'y a pas de motif de refus au sens de l'article 15" (Exposé des motifs du projet de loi n° 1108). Nouveau

→ Suppression de l'exemption des droits de timbre et d'enregistrement pour les contrats de travail des ouvriers et des gens de maison, en ce qu'elle "engendre une rupture d'égalité entre les salariés en fonction du métier concerné" (Exposé des motifs du projet de loi n° 1108) (art. 2 L. 729). Nouveau

→ Précision que "La validité du contrat de travail est conditionnée, selon le cas, à l'obtention de l'autorisation ou à l'accomplissement des formalités de déclaration, prévues par l'article 4 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 tendant à réglementer les conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté, modifiée et à l'obtention, par le futur salarié, d'un permis de travail". Il s'agit ici "d'établir un lien" entre les dispositions de la Loi n° 729 et celles de la Loi n° 629 conditionnant l'exercice d'un emploi privé à Monaco à ces formalités (art. 2 L. 729).

→ Encadrement de la période d'essai : date de commencement ("au point de départ de la relation de travail") ; possibilité de renouveler une fois la période d'essai dont le régime est détaillé. (art. 4 L. 729) Modification

→ Précision que le contrat de travail prend fin, sans préavis ni indemnité de rupture, en cas d'abrogation du permis de travail au cours de son exécution, ou de refus de délivrance du permis de travail (nouvel art. 5-1 L. 729 ). Modification

→ Retouches relatives à la durée du délai de préavis ou délai congé (art. 7 L. 729) Modification :

  • a) pour les travailleurs dont l'ancienneté au service d'un même employeur est supérieure à 6 mois ininterrompus, précision que le droit au délai-congé d'une durée d'1 mois s'applique "quelles que soient les fonctions occupées par le salarié" ;
  • b) pour les travailleurs dont l'ancienneté au service d'un même employeur est supérieure à 2 années ininterrompues, la durée du délai-congé serait de 2 mois (suppression de la possibilité de choisir, en alternative, un délai-congé d'une durée d'1 mois ainsi qu'une indemnité spéciale cumulable avec les indemnités de congédiement ou de licenciement instituées par la loi ou, le cas échéant, avec celles attribuées en vertu du contrat de travail, du règlement intérieur, des conventions collectives de travail ou des usages, "motivée par le fait que le choix de l'indemnité spéciale n'est quasiment jamais mis en œuvre car en incohérence avec le calcul classique du préavis basé sur le salaire".) ;
  • c) pour les salariés exerçant les fonctions de cadre dont l'ancienneté au service d'un même employeur supérieure à 2 années ininterrompues : délai-congé d'une durée de 3 mois "conformément aux usages en vigueur entérinés par la jurisprudence". Le cadre ayant moins de 2 années d'ancienneté entre dans le champ d'application de la lettre a).

Possibilité de notifier le délai-congé par lettre remise en mains propres contre décharge (la date de remise en mains propres fixant le point de départ du délai de préavis), afin d'alléger le formalisme existant (LRAR) (art. 9 L. 729).

• Modification de l'Ordonnance-Loi n° 677 du 2 décembre 1959 sur la durée du travail, modifiée

→ Nouvelle disposition concernant le contrat de travail conclu pour une durée inférieure à la durée légale de 39 heures par semaine ou à la durée considérée comme équivalente par une convention collective de travail ou, à défaut par un accord d'entreprise (nouvel art. 1-1 OL 677) : il doit être conclu par écrit pour chaque salarié individuellement, au plus tard à la date de commencement de l'exécution de sa prestation de travail (nouvel art. 1-1, alinéa 1 OL 677).

Rémunération des heures de travail réalisées au-delà de la durée fixée dans le contrat lorsque le salarié est employé pour une durée de travail inférieure à 19 heures et 30 minutes par semaine, à l'exception des emplois à horaires variables définis par arrêté ministériel (nouvel art. 1-1, alinéa 2 OL 677).

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