>
fr / en
Cabinet Avocats en Principauté de Monaco Cabinet Avocats en Principauté de Monaco

19

avr.
2024

Actualités juridiques

Données personnelles

Droit public

19/ avr.
2024

Actualités juridiques

Données personnelles — Droit public

CCIN • Application du droit à l'oubli (déréférencement) et du droit au respect de la vie privée aux publications au Journal de Monaco (Délibérations n° 2024-71 et 2024-72 du 20 mars 2024)

¤ Droit à l'oubli • Déréférencement • Sanctions disciplinaires publiées au Journal de Monaco

Délibération n° 2024-72 du 20 mars 2024 de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives (CCIN) portant recommandation sur l’évolution des dispositions conduisant à publier automatiquement certaines sanctions disciplinaires des personnels du Secteur Public au Journal de Monaco et la mise en œuvre d’un droit à l’oubli (JDM n° 8691 du 19 avril 2024)

La CCIN recommande une évolution de la législation monégasque afin que la publicité soit une sanction autonome non frappée d’automaticité.

Le droit à l’oubli doit pouvoir recevoir application en matière de publication au Journal de Monaco des Ordonnances Souveraines portant révocation d’un fonctionnaire, lesquelles doivent faire l’objet d’un déréférencement (désindexation) du site Internet du Journal de Monaco dans un délai maximum de 2 ans après leur publication.

Cette mesure de déréférencement (désindexation) doit être appliquée tant pour les Ordonnances Souveraines à venir que pour celles déjà publiées.

Cette recommandation concerne également toutes les entités publiques pour lesquelles des mesures de sanction disciplinaire font l’objet d’une publication au Journal de Monaco.

La CCIN a considéré que :

  • en pratique, pour les sanctions dont il aura été fait le choix de la publication, il conviendra de ne plus les rendre indexables par les moteurs de recherche et de recréer en ligne les conditions de consultation d’un journal officiel papier. Le Journal de Monaco numérique ne contiendrait ainsi la sanction qu’au sein de la version PDF et ne se retrouverait pas dans la partie indexée consultable en ligne ;
  • en l’absence d’une telle mesure, se pose nécessairement la question du droit à l’oubli. Si la Loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 relative à la protection des informations nominatives modifiée ne prévoit pas expressément de droit à l’oubli, la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) le reconnaît expressément :
    • le droit à l'oubli est destiné à protéger le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention Européenne des droits de l'Homme qui inclut le droit à la protection de la réputation ;
    • pour apprécier si le droit à l’oubli doit s’appliquer, la CEDH met en balance notamment la nature de l’information archivée, le temps écoulé depuis les faits, la première publication et mise en ligne, l’intérêt contemporain pour l’information contenue dans la publication, l’intérêt du public à accéder à cette information, la notoriété de la personne et les répercussions négatives de la mise en ligne sur la personne concernée ainsi que l’impact de la mesure d’oubli (sur les critères appliqués par la CEDH, voir par exemple Gde Ch., Affaire Hurbain c. Belgique, arrêt du 4 juillet 2023, Requête no 57292/16, §§ 200-211).
  • le droit à l’oubli s’applique aux condamnations pénales et doit trouver à s’appliquer aux sanctions disciplinaires ;
  • le fait de maintenir référencées / indexées sur le site Internet du Journal de Monaco les Ordonnances Souveraines portant révocation d'un fonctionnaire sans limitation de durée ne peut être considéré par la CCIN comme étant nécessaire à l’information du public ;
  • ce maintien fait perdurer les effets négatifs de la publication initiale sans limite temporelle, fait bien souvent obstacle à une recherche d’emploi de la personne concernée et ainsi porte atteinte à sa réputation sans tenir compte de son comportement actuel.

Le Haut-Commissariat à la Protection des Droits, des Libertés et à la Médiation avait recommandé "que les autorités monégasques procèdent, le cas échéant à l’issue d’un délai raisonnable, à l’anonymisation, à la limitation ou au déréférencement sur certains moteurs de recherches des décisions publiées en ligne, telles les révocations de fonctionnaires, dont la publication est susceptible de provoquer des effets disproportionnés dans le temps sur la vie professionnelle des personnes concernées et notamment sur leur capacité de retrouver un emploi » (Recommandation du 15 novembre 2023 relative au déréférencement de données nominatives contenues dans une Ordonnance Souveraine de révocation).

La CCIN, saisies de plaintes de plusieurs anciens fonctionnaires, avait demandé le déréférencement aux moteurs de recherche des Ordonnances Souveraines concernées, lesquels ont refusé d’y donner suite au motif que celles-ci faisaient l’objet « d’une publication continue par une autorité administrative ». La CCIN a également demandé la suppression directement à l’exploitant du site Internet le Journal de Monaco, lequel peut désindexer/déréférencer ces Ordonnances Souveraines, sans succès.

Concernant la publicité des sanctions référençables par les moteurs de recherche, la CCIN s'est appuyée sur l’article R221-16 du Code français des relations entre le public et l’administration qui dispose que "Outre les actes mentionnés à l'article R. 221-15, ne peuvent être publiés au Journal officiel de la République française que dans des conditions garantissant qu'ils ne font pas l'objet d'une indexation par des moteurs de recherche : 1° Les demandes de changement de nom ; 2° Les annonces judiciaires et légales mentionnant les condamnations pénales ; 4° Les sanctions administratives et disciplinaires ; 5° Les décisions abrogeant ou retirant une sanction mentionnée au 4°."

* * *

¤ Droit au respect de la vie privée • Limitation du traitement des données relatives à la santé • Mesure de mise à la retraite pour invalidité publiée au Journal de Monaco

Délibération n° 2024-71 du 20 mars 2024 de la Commission de Contrôle des Informations Nominatives (CCIN) portant recommandation sur la publication au Journal de Monaco des Ordonnances Souveraines et des Arrêtes Municipaux de mise à la retraite pour invalidité (JDM n° 8691 du 19 avril 2024)

Les Ordonnances Souveraines et les Arrêtés Municipaux portant mise à la retraite pour invalidité, publiées au Journal de Monaco, ne devraient plus mentionner le motif de cette mise à la retraite, mais se limiter à mentionner que le fonctionnaire est admis à faire valoir ses droits à la retraite.

Cette recommandation concerne également toutes les entités publiques pour lesquelles des mesures de mise à la retraite pour invalidité font l’objet d’une publication au Journal de Monaco.

La CCIN a considéré que :

  • le fait d’indiquer dans l’Ordonnance Souveraine ou l’Arrêté Municipal que la mise à la retraite intervient pour invalidité constitue un traitement d’informations nominatives faisant apparaître des données relatives à la santé de la personne concernée, est par principe prohibé ;
  • cette indication induit une atteinte au droit à la vie privée (article 22 de la Constitution, article 22 du Code civil, article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, article 1er de la Loi n° 1.165 du 23 décembre 1993 relative à la protection des informations nominatives modifiée) en ce qu’elle révèle l’une des informations les plus intimes et les plus sensibles d’une personne à savoir son état de santé et par suite son incapacité médicale à occuper un emploi ; la diffusion de ce type d’informations, outre l’atteinte personnelle et morale, peut engendrer des conséquences pratiques objectives non négligeables pour la personne concernée, dans sa vie quotidienne ;
  • l’indication de ce motif dans un acte rendu public et soumis à une large diffusion ne peut être justifiée par aucun motif valable de nature supérieure à l’intérêt pour les personnes objets de la mesure à voir respecter leur droit à la vie privée :

En l’absence de jurisprudence monégasque en la matière, la CCIN s'est appuyée sur une décision du Conseil d'Etat français (M. A. c/ ministre de l’économie, des finances et de la relance, 10 juin 2021, req. n° 431875) concernant la limitation d'une publication en ligne révélant indirectement, par le biais des visas (décret du 25 août 1995 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique), des données de santé (une telle information révèle indirectement que les personnes recrutées à ce titre souffrent d'un handicap). Le Conseil d'Etat a estimé que cette information "ne donne directement aucune information sur la nature ou la gravité de ce handicap et ne saurait, par suite, être regardée comme procédant au traitement d'une donnée relative à la santé des personnes considérées". Il a toutefois estimé qu'"Il appartient ainsi à l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, une fois expiré le délai de recours contre un tel acte, de prendre des mesures de nature à limiter le traitement des données en cause à ce qui est nécessaire, en ne maintenant cette publication que sous la forme d'un extrait ne mentionnant pas le fondement juridique de l'arrêté de nomination."

Autres publications