>
fr / en
Cabinet Avocats en Principauté de Monaco Cabinet Avocats en Principauté de Monaco

09

mars
2023

Actualités juridiques

Articles

Droit international et européen

Compliance

09/ mars
2023

Actualités juridiques — Articles

Droit international et européen — Compliance

Blanchiment d'argent et financement du terrorisme dans le marché de l'art et des antiquités / Février 2023

Le 27 février 2023, le GAFI a publié son Rapport "Blanchiment de capitaux et financement du terrorisme dans le marché de l'art et des antiquités".

Notre Département Compliance revient sur les points clefs du Rapport, ainsi que sur les vulnérabilités spécifiques du marché monégasque des antiquités et des oeuvres d'art, des ventes aux enchères identifiées dans le cadre de l'Evaluation Nationales des Risques 2 (ENR2) de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (2020-21).

Rapport du GAFI : les points clefs pour les professionnels du marché de l'art et des antiquités y compris des ventes aux enchères

Le GAFI se focalise pour la première fois de manière exclusive sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (B/FT) lié à l’art, aux antiquités et autres biens culturels.

Il s’adresse à la fois aux acteurs publics et aux acteurs privés du marché de l’art et des antiquités, tels que les marchands d'art, les conseillers en art, les maisons de vente aux enchères, les galeristes, les antiquaires, les installations de stockage (port franc), les prestataires de services de financement de l'art, etc.

Contenu du Rapport

Après avoir identifié les vulnérabilités et les menaces liées au marché et aux biens culturels, le Rapport décrit les défis auxquels les services de détection et de répression sont confrontés lorsqu'ils cherchent à identifier et à enquêter sur les activités de B/FT liées aux biens culturels.

Le Rapport souligne les progrès restant à accomplir pour de nombreuses juridictions dans la connaissance et la compréhension des risques de B/FT associés à ce marché, le manque de ressources et d'expertise en matière d'enquête et les difficultés à mener des enquêtes transfrontalières. Il met en évidence des approches adoptées par certaines autorités compétentes pour surmonter ces difficultés.

Enfin, le Rapport fournit des conseils à destination des acteurs publics et privés pour atténuer ces difficultés, avec en annexe une liste (non exhaustive) d’indicateurs de risque pour identifier les activités suspectes sur le marché de l’art et des antiquités, ainsi que 40 études de cas complémentaires issus des Etats-Unis, de l’Union Européenne (Eurojust, Italie, Espagne, Pays-Bas, Belgique, France, Pologne, Finlande), de la Suisse, de l’Inde et du Brésil.

Les caractéristiques du marché de l'art et des antiquités sources de vulnérabilités en termes de risque B/FT

Le marché de l'art et des antiquités et autres biens culturels a pour marqueurs :

  • la culture de la confidentialité et de la discrétion (qui protège les vendeurs et les acheteurs contre le vol et d'autres formes de criminalité, et permet de s'assurer que les personnes fortunées ne sont pas facturées à un prix plus élevé si leur identité était connue du vendeur) ;
  • le recours courant à des intermédiaires et personnes morales dans le processus d'achat et de vente ;
  • une forte spéculation avec des prix subjectifs et volatils.

Ces marqueurs sont aussi des vulnérabilités en termes de risque de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. En pratique :

  • les œuvres d’art peuvent facilement être surévaluées ou sous-évaluées ;
  • le stockage dans des ports francs offre des avantages fiscaux et assure des niveaux élevés d’anonymat et de confidentialité - Une fois achetées, les œuvres d’art n’ont pas besoin d’être déplacées des ports dans lesquels elles sont stockées ;
  • le recours à des intermédiaires et à des sociétés dans le processus d'achat et de vente, relativement courant sur le marché, peut masquer l'identité du vendeur ou de l'acheteur final, du bénéficiaire effectif des sociétés concernées ;
  • lorsque des biens culturels peuvent être achetés anonymement en espèces, cela complique la traçabilité des transactions.

Due diligence : des indicateurs de risque pour identifier les activités suspectes sur le marché de l’art et des antiquités (Annexe A du Rapport)

Le GAFI fournit une liste non exhaustive des indicateurs de risque propres au marché de l'art et des antiquités

  • Utilisation de sociétés fictives, de trusts ou d'intermédiaires tiers, y compris des marchands d'art, des courtiers, des conseillers ou des décorateurs d'intérieur, pour acheter, détenir ou vendre des objets culturels.
  • Transactions en espèces, en particulier l'utilisation de grandes quantités d'espèces.
  • Utilisation de grosses coupures (par exemple, le billet de 500 euros dans l'UE).
  • Marges bénéficiaires inhabituellement élevées sur la vente d'une œuvre d'art, d'une antiquité ou d'autres biens culturels.
  • Ventes ou achats de biens impliquant des vendeurs qui ne sont pas soucieux de récupérer leur investissement initial.
  • Ventes ou achats d'œuvres d'art dépassant largement ou régulièrement la valeur de vente attendue de l'œuvre.
  • Ventes ou achats d'œuvres d'art impliquant des acheteurs qui ne semblent pas se préoccuper de payer un prix sensiblement plus élevé que la valeur théorique de l'œuvre.
  • Ventes ou achats d'œuvres d'art pour lesquels le client ne connaît pas bien ou ne s'intéresse pas à la provenance, l'histoire, le style, le genre ou l'artiste d'un objet.
  • Refus d'un client de fournir des informations d'identification pour recevoir un prêt garanti par des œuvres d'art, ou le remboursement anticipé ou l'utilisation d'espèces pour payer un tel prêt.
  • Articles importés ou exportés non déclarés aux administrations douanières compétentes.
  • Achat ou résiliation de polices d'assurance visant à protéger la valeur marchande ou à fournir des paiements en espèces en cas de perte, de vol ou d'incendie. ou fournir des paiements en espèces pour la perte, le vol ou la destruction d'œuvres d'art de grande valeur ou de dons d'œuvres d'art de grande valeur dans des cas où d'autres informations suggèrent que l'art a une faible valeur.
  • Présence de personnes physiques ou morales connues pour être impliquées dans, ou suspectées de, trafic de biens culturels.
  • Utilisation de médias sociaux ou d'intermédiaires financiers pour faire la publicité de biens culturels qui ont été pillés.
  • Pièces archéologiques uniques prétendument liées à des collections existantes mais non étudiées jusqu'alors.
  • Oeuvres d'art nouvellement "découvertes" et attribuées à un artiste de premier plan.
  • Achats de biens par des intermédiaires tiers pour le compte d'un vendeur ou d'un acheteur final.
  • Transactions impliquant des acteurs du marché sans expertise dans la conclusion d'achats ou de ventes de grande valeur.
  • Transactions impliquant des personnes politiquement exposées (PPE), des membres de leur famille ou leurs proches collaborateurs.

* * *

Monaco : les risques et vulnérabilités spécifiques du secteur des antiquités et des œuvres d’art, des ventes aux enchères

Monaco a transcrit la 5e Directive (UE) 2018/843 anti-blanchiment et financement du terrorisme (en vertu de l'Accord Monétaire entre la Principauté et l'Union Européenne du 29 novembre 2011).qui a inclus de nouveaux professionnels du marché de l'art.

Focus sur les professionnels du secteur de l'art et des antiquités assujettis à la Loi n° 1.362

Sont assujettis à la Loi n° 1.362 du 3 août 2009 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la corruption, modifiée, les intervenants du marché de l'art et des antiquités suivants (art. 1) :

  • 16°) les commerçants et personnes qui négocient ou agissent en qualité d'intermédiaires dans le commerce des oeuvres d'art et des antiquités, y compris lorsque celui-ci est réalisé par des galeries d'art et des maisons de vente aux enchères, lorsque la valeur de la transaction ou d'une série de transactions liées est d'un montant égal ou supérieur à 10.000 € ;
  • 17°) les personnes qui entreposent ou négocient des oeuvres d'art ou agissent en qualité d'intermédiaires dans le commerce des oeuvres d'art quand celui-ci est réalisé dans des ports francs, lorsque la valeur de la transaction ou d'une série de transactions liées est d'un montant égal ou supérieur à 10.000 €.

Fin 2020, Monaco comptabilisait :

  • 41 antiquaires et marchands d’art : galeries d’art contemporain, professionnels spécialisés dans la numismatique, le philatélisme, ou encore l’achat et vente de biens d’art décoratif, de bijoux, montres et articles d’orfèvrerie ;
  • 26 professionnels de la vente aux enchères : la majorité des établissements exerce une activité de bureaux de liaison à la recherche de potentiels acheteurs ou vendeurs pour le compte de leurs groupes respectifs, les ventes étant ensuite organisées à l’étranger ; sont également exercées les activités de vente de gré à gré, d’assistance dans la mise en relation ou l’identification des acheteurs ou vendeurs ou encore de vente de biens.

L'assujettissement à la Loi n° 1.362 implique pour les professionnels concernés :

  • la mise en œuvre de procédures de lutte contre B/FT fondée sur le risque ;
  • la réalisation de contrôles de vigilance à l’égard de la clientèle ;
  • la supervision des transactions pour détecter toute activité suspecte ;
  • le filtrage des clients au regard des listes de sanctions ;
  • la vérification du statut des personnes politiquement exposées (PPE) ;
  • la surveillance de la couverture médiatique négative impliquant des clients ;
  • le cas échéant, des déclarations de soupçon.

Les risques et vulnérabilités du marché monégasque identifiés dans le cadre de l'Evaluation Nationale des Risques 2 (ENR 2) :

1. Secteur des antiquaires et marchands d'art :

Le risque d'utilisation de la profession dans des stratégies de B/FT est jugé significatif :

  • Indicateurs d'exposition à la menace à Monaco : utilisation importante d’espèces ; recours aux ventes en ligne en augmentation et représentant près d'un quart des ventes ; caractère hautement spéculatif de certaines opérations ; possibilité pour les clients (personnes physiques et sociétés commerciales) d’intervenir financièrement de manière anonyme ;
  • Indicateurs de vulnérabilités de la profession : absence de code de déontologie pour le secteur ; fragilité de la connaissance de la LCB/FT par le personnel du secteur et de l’efficacité de la conformité (procédures internes, formations, vérification et suivi des transactions, faible culture de l'audit, identification des indices de risque et des clients à risque accru).

Le secteur présente une vulnérabilité moyennement élevée, une menace moyennement élevée mais croissante. Le niveau de risque final est évalué moyennement élevé en 2020/21.

2. Secteur des ventes aux enchères

Le risque d'utilisation de la profession dans des stratégies de B/FT est jugé existant :

  • Indicateurs d'exposition à la menace à Monaco : évasion fiscale ; les conditions dans lesquelles la clientèle entre en relation avec l'établissement pour les ventes aux enchères en ligne via des plateformes spécialisées (30 % des ventes aux enchères) ne sont pas toujours clairement définies ; bien que la carte bancaire et le chèque sont les moyens de paiement privilégiés, les règlements en espèces sont utilisés par la clientèle ; intervention de courtiers ou négociants qui réalisent des achats pour le compte de tiers pouvant complexifier le processus d'identification du client ;
  • Indicateurs de vulnérabilités de la profession : formation spécifique des responsables LCB/FT ; communication des procédures internes ; outils de détection des clients PPE et à risque accru.

Le secteur présente une vulnérabilité moyennement élevée, une menace moyenne mais croissante. Le niveau de risque final est évalué moyen en 2020/21.

* * *

De nouveaux enjeux apparaissent avec le phénomène des NFT (jetons non fongibles), permettant la vente d'œuvres virtuelles qui bénéficient d’un certificat de propriété numérique authentifiant et garantissant la valeur de l’œuvre. Présenté comme une solution à la contrefaçon, il est aussi propice au blanchiment de capitaux.

* * *

SOURCES :

FATF (2023), Money Laundering and Terrorist Financing in the Art and Antiquities Market, Paris, France https://www.fatf-gafi.org/publications/methodsandtrends/money-laundering-terrorist-financing-artantiquities-market.html

SICCFIN (2021), Evaluation Nationale des Risques n° 2 (ENR 2) de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, Monaco https://www.siccfin.mc/Evaluat...

* * *

Notre Département Compliance intervient à vos côtés, aussi bien en prévention qu'en défense.

Autres publications