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20/ nov.
2025

Actualités juridiques

Droit de la famille — Family Office

Proposition de loi n° 273 modifiant certaines dispositions du code civil relatives au divorce et à la séparation de corps

La proposition de loi n° 273 modifiant certaines dispositions du code civil relatives au divorce et à la séparation de corps (41 articles) a été déposée en Séance Publique le 6 novembre 2025 et renvoyée devant la Commission Droits de la Femme, de la Famille et de l'Égalité.

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SYNTHESE

Objectifs de la réforme

Selon l'Exposé des motifs, la proposition de loi n° 273 vise à moderniser le droit civil monégasque en matière de divorce et de séparation de corps, en l'alignant sur les évolutions sociétales en accordant plus de place à l'autonomie de la volonté des époux et la disponibilité des droits, en accélérant et simplifiant les procédures, et en s'inspirant des pratiques d'autres États tenant compte des intérêts des résidents étrangers :

  • renforcer l'attractivité judiciaire et juridique de la Principauté,
  • tout en assurant une garantie effective des droits des époux (y compris vulnérable, souffrant par exemple d'une altération de ses facultés cognitives) et de l'intérêt de l'enfant, ainsi que le respect de l'ordre public et des bonnes mœurs.

Les points clefs de la réforme

  • Légalisation de l'accord nuptial conclu à Monaco : inspiré des nuptial agreements de droit anglo-américain (pre-nup, mid-nup, post-nup), il permettrait aux époux d'organiser les conséquences de la dissolution du mariage, notamment alimentaires, pécuniaires ou patrimoniales.
  • Révision des cas de divorce : subsisterait le divorce à la demande d'un seul époux, ou des époux ensemble, sans considération de torts et nécessité de durée de résidence séparée (divorce objectif).
  • Protection de l'époux vulnérable conformément aux engagements internationaux de Monaco.
  • Vivification de l'intérêt juridique de la séparation de corps en accroissant les pouvoirs du juge.

NB : une proposition de loi adoptée par le Parlement (Conseil national) est transmise au gouvernement qui a la possibilité de la transformer en projet de loi ou de suspendre la procédure législative.

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EN DÉTAIL

La proposition de loi n° 273 porte réforme du divorce et de la séparation de corps régis par le Titre VI du Livre I (Des personnes) du Code civil.

→ Révision des cas de divorce

Nouvelles dispositions : articles 197 et 198 du Code civil

  • La proposition de loi n° 273 ne retient que le divorce objectif sans considération de torts et nécessité de durée de résidence séparée : à la demande d'un seul des époux, six mois après la célébration du mariage. Toutefois, ce délai ne serait pas nécessaire pour déposer une requête lorsqu'il existe un risque avéré pour la vie, l'intégrité physique, la liberté, l'intégrité morale de l'époux demandeur ou des enfants des deux époux ou de l'un des époux ; ou 2° à la demande des époux ensemble une fois écoulé un délai de six mois depuis la célébration du mariage. D'après les statistiques, le divorce par accord de volontés "représente déjà près de 71 % des demandes".
  • Le divorce est ainsi défini comme "une dissolution du mariage prononcée par une juridiction, à la demande des époux ou de l'un deux, dans les cas et selon les formes déterminées par les présentes dispositions".
  • Les divorces subjectifs seraient donc supprimés : divorce pour faute, pour maladie du conjoint, pour condamnation pénale, pour altération définitive du lien conjugal.
  • Actuellement, le droit monégasque prévoit le divorce par consentement mutuel sur requête conjointe (article 199 du Code civil depuis la Loi n° 1.336 du 12 juillet 2007), le divorce à la demande d'un des époux pour faute, pour rupture de la vie commune, pour condamnation pénale, pour maladie du conjoint (article 197 du Code civil), le divorce à la demande d'un des époux lorsque lui-même et son conjoint acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci (article 198 du Code civil)
  • La réforme des cas de divorce est motivée par le fait que "ces fondements apparaissent aujourd’hui inadaptés. Certains reposent d’ailleurs sur une logique de vive confrontation des époux, comme le divorce
    pour faute, tandis que d’autres, comme la rupture de la vie commune, imposent des conditions de fait particulièrement contraignantes, notamment au regard des contraintes pour se loger à Monaco. En pratique, ces exigences conduisent à des procédures judiciaires souvent longues, coûteuses et éprouvantes, qui tendent à attiser le conflit familial". Les causes de divorce pour maladie ou pour condamnation pénale "reposent sur des conceptions subjectives et morales des relations entre époux, qui ne correspondent sans doute plus au rôle de la volonté (unilatérale ou conjointe) qui domine désormais les conceptions familiales, ni à la crainte de l'immixtion du juge dans la sphère intime des relations conjugales. Le divorce pour faute peut, par ailleurs, inutilement accroître l'intensité du conflit familial, chaque époux cherchant à convaincre le juge de l'imputabilité des torts à son conjoint, parfois sans guère de retenue."
  • L'Exposé des motifs précise également à propos de la suppression de la faute comme cause de divorce, que cela "n'évince évidemment pas la possibilité de saisir le juge lorsque des faits de violences intrafamiliales sont commis, afin d'obtenir un éloignement du conjoint violent. (...) la victime pourra toujours solliciter, en
    amont d'une procédure de divorce par exemple, sur le fondement de l'article 24-1 du Code civil (....) l'autorisation de résider séparément ou l'attribution de la jouissance du logement." De plus, une requête en divorce pourrait être déposée par l'époux sans devoir "attendre le nouveau délai légal de six mois depuis la célébration du mariage, lorsqu'il existe un risque avéré pour sa vie, son intégrité physique ou morale, ou sa liberté".

→ Protection de l'époux vulnérable

Nouvelles dispositions : articles 200-2-1 à 200-2-3 du Code civil

  • La proposition de loi n° 273 regroupe l'ensemble des règles relatives au divorce du majeur vulnérable atteint d'une maladie mentale ou qui se trouve hors d'état de manifester sa volonté.
  • Elle prévoit la désignation d'office d'un curateur par le Président du Tribunal de première instance pour assister l'époux (défendeur ou demandeur) vulnérable en s'assurant que les effets du divorce soient acceptables pour lui, en l'absence de tutelle ou de curatelle organisée, ou en cas de conflit d'intérêt lorsque la tutelle est exercée par le conjoint.
  • Cette évolution est à relier aux engagements internationaux de Monaco en vertu de l'article 12 de la Convention du 13 décembre 2006 des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.

→ Séparation de corps

Nouvelles dispositions : articles 197-3, 197-4, 206-7, 206-11 du Code civil

  • La proposition de loi n° 273 entend "vivifier l'intérêt juridique" pour la séparation de corps, en introduisant sa définition "dès les dispositions liminaires qui ouvrent le Titre sur le divorce et la séparation de corps, la plaçant ainsi sur le même plan que le divorce et rompant avec son actuelle relégation en fin de Chapitre" : "La séparation de corps est un relâchement du lien matrimonial prononcé par une juridiction. Sans dissoudre le mariage, la séparation de corps met fin au devoir de cohabitation et entraîne pour l’avenir une séparation de biens entre les époux."
  • Le juge monégasque aurait des prérogatives renforcées découlant de la référence à l'équité, "pour lui permettre de corriger d'éventuelles situations rendues injustes par une stricte application des textes sur l'obligation alimentaire". Il pourrait écarter la mise en œuvre des dispositions relatives au devoir de secours si elle devait aboutir à une décision manifestement problématique. Par exemple, le juge pourrait écarter sur le fondement de l'équité, la demande de pension alimentaire à l'occasion de l'instance en séparation de corps, d'un "époux d'une femme animée de profondes convictions religieuses, qui aurait été pénalement condamné, notamment pour des faits commis sur son épouse (....) dispos[ant] de ressources bien plus conséquentes que " lui.
  • L'Exposé des motifs précise l'objectif du législateur de "réaffirmer la faveur du droit monégasque" pour la séparation de corps "absolument nécessaire dans un contexte d'essor de la volonté en matière de divorce. Il s'agit ce faisant de proposer à certains Monégasques ou ressortissants étrangers un pluralisme juridique, concernant la cessation du mariage, en particulier pour répondre à des considérations religieuses."
  • Le Code civil maintient une passerelle entre la séparation de corps et le divorce : les époux "peuvent, en tout état de cause, transformer leur demande en divorce en demande en séparation de corps" ; et à l'inverse, est prévu le "cas de conversion de la séparation de corps en divorce".

→ Licéité des accords nuptiaux

Nouvelles dispositions : articles 191-1 à 196-3, 197-1 aliéna 3, 202-5 dernier alinéa, 203-1-1 à -3, 204-4, 204-5, 204-8 du Code civil

  • La conclusion d'un accord nuptial à Monaco permettrait d'organiser les conséquences de la dissolution du mariage, notamment alimentaires, pécuniaires ou patrimoniales (par ex. prestation compensatoire, liquidation et partage des intérêts patrimoniaux communs, contribution parentale à l'entretien d'un enfant).
  • L'accord nuptial est à distinguer du contrat de mariage qui concerne les règles de propriété des biens des époux et les règles de pouvoirs des époux sur les biens. Il est également à distinguer de l'actuelle convention de divorce prévue à l'article 202-5 du Code civil, à laquelle l'accord nuptial se substituerait (l'objet limité de la convention de divorce peut être inclus dans un accord nuptial au champ matériel plus large).
  • L'accord nuptial pourrait être rédigé sous seing privé ou en la forme authentique devant notaire, avant la célébration du mariage (à l'instar du contrat de mariage et du pre-nuptial agreement), ou au cours de l’union (à l'instar du mid-nuptial agreement), ou durant la procédure de divorce (à l'instar de la convention de divorce et du post-nuptial agreement).
  • L'accord nuptial serait soumis aux conditions essentielles de validité suivantes : — le consentement devrait être donné par chaque époux de manière libre et éclairée, grâce à des informations financières transparentes, en présence d’un avocat pour chaque conjoint, en ayant disposé d’un temps de négociation satisfaisant ; — le contenu de l’accord devrait être conforme à l’ordre public, aux bonnes mœurs et à l’intérêt de l’enfant mineur.
  • L'Exposé des motifs précise que "La conclusion d'un accord nuptial ne doit pas offrir l'opportunité pour l'époux le plus malin, le plus riche, le plus fort, d'imposer sa volonté" ou par exemple comporter des "clauses attentatoires à l'intérêt de l'enfant" en matière de contribution à l'entretien.
  • L'Exposé des motifs donne par ailleurs des exemples d'atteinte à l'ordre public ou aux bonnes mœurs : — "prestation compensatoire d'un montant conséquent, négocié et conclu avant le mariage ou au début de celui-ci, lorsque les affaires de l'un des époux étaient florissantes. (....) qui ensuite auraient périclité", et "l'exécution des obligations initialement convenues viendrait à placer l'époux dans une situation économiquement intenable, le privant d'un patrimoine minimal décent." — "clauses qui interdiraient à l'un des époux de résider dans tel ou tel État, par exemple, ou qui conditionneraient l'attribution d'une prestation compensatoire à ce type d'interdiction de séjour de source privée". "clauses qui viendraient conditionner l'attribution d'un bien lors du partage, ou encore le droit à une prestation compensatoire, en contrepartie de l'exécution, durant le mariage du "devoir conjugal", en déterminant par exemple une fréquence de relations sexuelles". "stipulations qui reposeraient sur des motifs discriminatoires entre les sexes, ou entre les enfants". "clauses qui, par exemple, conditionneraient l'octroi par le mari d'une prestation compensatoire "en contrepartie" du droit de ne pas être fidèle tant de fois par an".
  • L'homologation de l'accord nuptial demandée par les époux (après vérification du respect des conditions essentielles de validité et la conformité à l'intérêt de l'enfant, précitées) le rendrait exécutoire. Le Tribunal ne pourrait modifier les termes de l'accord nuptial. Mais si une stipulation de l'accord nuptial n'est pas conforme à l'intérêt de l'enfant mineur, l'homologation pourrait n'être que partielle, le Tribunal de première instance pouvant conférer force exécutoire aux autres stipulations et statuer dans le cadre d'une fonction juridictionnelle classique, selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant.
  • La décision du Tribunal refusant l'homologation de l'accord nuptial serait susceptible d'appel. En revanche, l'appel ne serait pas ouvert contre la décision portant homologation de l'accord.
  • Si l'accord nuptial ne comportait pas de stipulations réglant la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux communs, ou s'il était incomplet, le Tribunal l'ordonnerait et commettrait un notaire pour y procéder. De même, la prestation compensatoire pourrait être fixée judiciairement si l'accord nuptial ne comportait pas de stipulations réglant cet effet du divorce, ou s'il était incomplet.

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